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LA THÉMATIQUE

                                        Sens du lieu, lieu du sens

              Dans le mot « œuvre » réside une définition, celle d’un élément - achevé, travaillé, « opéré » - et la
qualifier « d’art », lui accorde une force d’autonomie, d’existence indépendante…
« Être vue » est pourtant une condition d’être pour l’œuvre.
Le film, la vidéo, le dvd nécessitent un appareil de projection pour dépasser le statut d’objet - pellicule, K7, DVD -
pour être.
Le tableau, la sculpture n’existent pourtant totalement qu’exposés - cachés dans un coffre-fort, ils sont des marchan-
dises de spéculations; entreposés dans des réserves ils sont en instance de.
Ainsi des lieux sociaux spécialisés - les musées - ou investis provisoirement participent à ce faire. Le musée fait
œuvre, en ce sens que l’objet qu’il importe dans le domaine critique et dans l’histoire de l’art, est désormais reconnu
artistique. La philosophie a inventé en Derrida, les parerga qui délimitent une œuvre, induisant une telle approche. Le
plus élémentaire, le cartel dénomme l’œuvre, mais il fait plus puisqu’il reconnaît que c’est une œuvre d’art.
L’art vidéo n’est appelé ainsi et l’installation n’est reconnue artistique que depuis qu’ils sont acceptés dans de tels
lieux sociaux.

              L’expérimental s’est vite insurgé de cette fonction muséale l’accusant de stéréotyper, de formater…
l’Underground affiche ce refus alors qu’il produit et diffuse lui-même ses films pour échapper aux lieux commer-
ciaux… Par ailleurs, dès la fin des années 60, des pratiques artistiques comme le Land art ont investi des espaces
extérieurs quand l’œuvre in situ s’opposait à l’œuvre autonome censée s’imposer par elle-même. Cette expression
« in situ » - en situation, peut se lire aussi comme dans son milieu naturel.

    L’œuvre ainsi considérée en relation voire en interaction avec l’environnement devenant une de ses compo-
santes à part entière, se conçoit en fonction de ce lieu particulier. Des artistes confrontent ainsi leur travail au lieu, ils
l’articulent au lieu, ils le pensent avec le lieu.

    L’œuvre est dans son inachèvement.

              Cela est une des dimensions de la performance, le ici et le là… le corps s’imposant, supportant, jouant
du lieu…
Réaliser une vidéo pour grand écran, ou la jouer en boucle réclame une autre écriture… l’appareil de diffusion
s’avère un instrument qui déclinerait une partition.

              Des artistes du film font du lieu, le point d’écriture… filmer sous l’eau c’est filmer avec l’eau… choisir
la déambulation dans la ville ou la marche dirigée provoque d’autres visions de ces espaces… l’œuvre devient
investigation.

              Une installation contrairement à sa désignation, se repense, se remodèle quant au lieu d’accueil, elle
gagne en devenir. L’œuvre reçoit une dimension de mouvement, de débordement de l’achevé, elle s’approche de
l’incernable, s’il se laisse déborder par le lieu. Quand elle inclut du son, l’espace est caisse de résonance, il est
instrument. L’œuvre écoute l’espace.
Selon le lieu, elle prend telle valeur historique, sociale, métaphorique… s’éloignant parfois franchement du propos
de sa motivation.

              Ainsi le lieu n’est pas cet écrin vide à remplir impunément, mais il est un élément à prendre en compte
pour l’être-œuvre… ce n’est pas effacer l’œuvre puisque c’est sa résistance à l’espace qui la fait œuvre. Plus, elle
peut réveiller un espace, lui ouvrir d’autres possibilités… L’interrelation peut se moduler ou provoquer le contre point.

    L’inclusion physique dans le lieu réveille différemment le sensoriel
    L’inclusion dans le lieu réveille différemment l’approche. Simone DOMPEYRE

                         18ème ÉDITION DES RENCONTRES TRAVERSE VIDÉO                                                            7

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