Page 70 - catalogue 2017
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Projections 6. Les Abattoirs



Vladislav KNEZEVIC, ARHEO 29, 9min30 (BONOBO, Croat.)

Le flm secrète un projet d’archéologie au sens de recherche
d’indices pour comprendre le présent par les traces du passé
lointain. Le lointain de ce travail de footage est plus proche puisque
les archives retenues viennent de pages de magazines de 1929
et que ce sont des images du monde et non celles d’un site très
circonscrit par un spécialiste des pierres du passé.
Vladislav Knezevic ne se cantonne pas à des citations ni à faire du
beau avec des images de quotidien, il provoque le souvenir des
années de l’entre-deux guerres quand on riait, savourait le sport et
les croisières, appréciait les belles voitures mais aussi où les bras
se tendaient, déjà, devant un leader. Le sépia connotant le passé,
teinte l’ensemble dans une réunion plastique de composants éclectiques mais il eface simultanément la nécessité
de saisir le sens des mots, par ailleurs, à l’envers, en efet miroir.
Le flm reprend savamment certains plans en tonalité inverse... il s’ouvre au noir comme il se termine en fermeture
au noir, en une boucle faisant de ce constat une constance historique. Les peuples s’avèrent insouciants des forces
qui sourdent...
D’emblée, le logo d’une marque et la voiture de sport rêvée de l’époque, des visages heureux se surimpressionnent
croisés avec des fragments de tapis comme fonds ou avec des fragments d’articles du journal dans lesquels se
reconnaissent tel ou tel terme, « km » par exemple... Ces jeunes femmes occidentales en maillot noir entourent un
jeune moniteur ou se prélassent en prélude au collage-montage fondateur de ce flm.
En interstice, deux Indiens arborent des coifes à plumes pour l’adulte, en broderies pour le jeune; des guépards
rencontrent une image de publicité, deux femmes déguisées avec loup et perruques XVlllème siècle devancent
paquebot et avions... Quelques aigus, des cuivres éclatent sur un tempo assez calme avant la dramatisation liée
aux images d’incendie, de pompier en drôle de scaphandre, de masques à gaz en montage alterné simultanément
au tremblotement qui atteint toutes les fgures. La rupture naît de l’intrusion dans le champ de citadins agroupés
sur les trottoirs pour acclamer de leur salut nazi un homme en voiture, avant celle d’un tank. Alors le paquebot et
son commandant et son ofcier avec sextant et autre appareil de mesure, indiciels de maîtrise sont chahutés ; des
avions menaçants s’approchent du navire. Le ficker perturbe ce monde...
La leçon d’histoire ne se peut que par une leçon de maîtrise du cinématographique car ce sont les mêmes images,
issues d’un fonds trivial, qui jointes et disjointes, agencées, réagencées, renversées fondent ce regard de vigilance
qui, cependant, jamais n’abandonne son efet de beauté.
Simone Dompeyre

Florian LUTHI, L’Herbe à couteau, 8min04 (Suisse)

Cela débute sur la lecture de quelques lignes de Bourlinguer de
Blaise Cendrars. Elles racontent les rubans de papier argenté
que les avions jetaient par dessus bord pour brouiller les radars
pendant la Deuxième Guerre Mondiale.
Le projet puise sa source dans cette description un peu envolée de
serpentins grisâtres qui remplissaient le ciel. Un nuage d’aluminium
qui s’éparpillait dans l’amas de débris des villes bombardées.
Des échos des messages codés de la radio pendant la guerre y
répondent au nuage de cotillons. Cependant ce point de départ
s’eface pour un nouveau récit, un étrange huis clos.
D’un côté, trois hommes existant entre un vieux bar et l’infni, se
perdent dans une farandole de tocs, à l’intérieur d’une « chorégraphie » cyclique qui les empêche de revenir à la
réalité. De l’autre, une jeune flle déambulant dans un paysage naturel, poursuit tant bien que mal son chemin tout
tracé, presque fatal. Son rôle n’est pas vraiment défni.








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