Photo | France (Toulouse)
Je suis une légende
Je suis une légende
Tu te souviens ? Tu avais mis un « like sur la photo »
Comment parler de la place de la photographie en 2022 sans parler de son omniprésence dans les réseaux (a)sociaux. Rien que sur Instagram, on estime à 100 millions le nombre de vidéos et de photos postées par jour. Et ce que l’on oublie bien souvent c’est que toutes ces images à la durée de contemplation des plus éphémères restent archivées dans des data centers. Si au bout de quelques jours, les images postées glissent lentement vers de bas de notre « feed », elles sont belles et bien toujours là et s’accumulent sur des disques durs, quelque part sur la planète.
Qu’est-il alors de ces photos de vacances de 2018, de 2017, de 2016 que plus personne ne like, des photos d’assiettes garnies prisent juste avant de manger au restaurant que plus personne ne commente ? Toutes ces photos que vous avez un jours postées avec enthousiasme et que vous avez peut-être oubliées au final. Ces photos vous provoqueraient-elles encore des émotions si vous les regardiez à nouveau ? Et quand les avez-vous regardées pour la dernière fois ?
Je suis donc parti à la recherche de ces photos que vous avez oubliées. De toutes ces fois où vous avez publié une photo de hublot de l’avion pendant le vol alors que l’on vous avez bien demandé de ne pas activer internet dans l’avion. De ces lieux de vacances inoubliables où avez fait la queue pour avoir la photo qui fait bien. Ces photos de voyages avec votre ex que vous ne voulez plus voir…
Mais ses photos sont-elles si uniques ? Avec 100 millions d’images postées par jour, peut-on vraiment encore produire du neuf ? Ou nos photos ressemblent-elles, à peu de chose prêt, à celles des autres ? J’ai donc passé plusieurs mois à collectionner ces photos oubliées des réseaux sociaux, ces photos qui selon les lieux se ressemblent tellement, malgré le fait que leur protagonistes ne se connaissent pas.
J’ai alors commencé à les superposer pour voir en transparence à quel point elles étaient similaires. Une, deux, trois, puis dix, vingt, trente et c’est au final des cinquantaines d’images qui se superposent les une sur les autres pour donner naissance aux œuvres de ma série « Je suis une légende ». Finalement ces photos que l’on avait postées pour que les gens jalousent un peu notre vie, n’ont peut-être rien de plus ou de moins que celles des autres comptes Instagram ou Facebook.
Au-delà de l’anecdote, la série « Je suis une légende » cherche à nous interroger sur notre consommation boulimique d’images, leur légitimité et notre rapport au monde, rapport au moment présent et à l’oublie.