Vidéo | 06:44 | France
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Un jour de printemps où je marchais rue Monge à Paris, près du métro Censier-Daubenton, passèrent devant moi, traversant la rue, deux jeunes filles habillées comme celles de certains tableaux impressionnistes. L’une d’elle, brune, revêtait une robe en dentelle blanche et un canotier, l’autre, rousse, une jupe de lin bleu clair, un chemisier blanc bouffant et tenait une ombrelle. Elles faisaient ainsi, vraiment XIXe siècle et moi, spontanément j’ai pensé : « Oh ! Albertine et Andrée sans doute ». Depuis, j’ai souvent pensé que cela pouvait être beau de provoquer, dans les films auxquels je songeais alors, de petites irruptions de personnages d’À la recherche du temps perdu, mais de la même façon que m’étaient apparues ces deux jeunes filles, à la fois anachronique et documentaire. Et puis, j’ai un peu oublié. C’est plus tard, dans un moment de désœuvrement, que je me suis mis à bidouiller sur ma table de montage, les images super 8 numérisées d’un précédent film, La jeune fille dans la serre et pour lequel j’avais demandé à une amie, Djohor, de bien vouloir jouer. Au départ, il s’agissait pour moi d’expériences plastiques, à la façon de la chimie amusante de Gaston Lagaffe. J’avais en tête quelques films de Claudine Ezyckman. Mais voilà, sur ces rushes, il y avait aussi des cygnes, une petite église, un chemin, des fleurs… et c’est là que Gilberte Swann a surgi, droite comme une évidence, au milieu d’images qui renvoyaient toute soudainement à l’œuvre de Marcel Proust, et moi, tout content, j’avais un petit film.