Boucle sur écran | 09:00 |
je criais contre la vie. ou pour elle.
Je criais contre la vie, ou pour elle, véritable symphonie en sépia innove, son auteure, Vergine Keaton, historienne d’art et animatrice française, démontre qu’elle a plus d’un tour dans son plumier.
Elle dépeint une chasse à courre à l’anglaise, scène forestière traditionnelle qu’elle rompt puisque lorsque le ciel assombri se dégage, les cerfs se retournent contre les chiens, les chasseurs devenant les chassés.
Je criais contre la vie, ou pour elle s’inspire du mythe d’Antigone, réinterprétée par le traducteur Henri Bauchau comme un rêve de l’héroïne éponyme. Vergine Keaton dépasse un simple emprunt, elle y introduit le cycle avec la référence au dicton Post nubila, Phoebus – Après la pluie, le beau temps, la régénération avec la mue des cerfs. Et ces renversements s’opèrent en un travail soigné et précis de déconstruction et de recomposition d’authentiques gravures du XIXe siècle alors que la musique porte le « cri » du titre. Signée Vale Poher, la partition adopte une toccata avec des accords électriques évocateurs de Pink Floyd. Obstinata, elle entraîne en modulations rythmiques, une étonnante chorégraphie de la flore et de la faune, à la Bewick ou à la Escher. Ainsi la constance du profil des animaux emporte en dynamisme les gravures classiques et le vol des corbeaux évoquant la géométrie d’Escher font un va-et-vient incessant entre les deux pôles de cette vision naturaliste : la célébration de la nature splendide et l’horreur de sa force chaotique et impitoyable. Je criais contre la vie, ou pour elle : le titre, provenant du texte de Bauchau, porte cette résolue indécision et cette dualité.
La force de ce film énigmatique et saisissant émane de son style singulier. Entre la stase sobre du dessin, l’adresse inattendue des mouvements saccadés et la limpidité de l’eau délicatement animée, il atteste son adéquation réussie entre la recherche esthétique formelle et les bribes narratives bien menées. Unissant l’original et le familier, « Je criais » anime cette sensation, le film s’avérant la suite logique de la gravure.