Installation | France | 2023 |
Rebours Labours
Tu avances dans cette rue qui te conduit
De la place Jeanne d’Arc jusqu’à la gare.
Une large vitrine attire ton attention :
Pas la devanture d’un magasin
Ni d’une banque
Mais celle d’une école d’art !
Tu approches.
Collés tout juste derrière la vitre,
Neuf grands QR codes forment un carré.
Ça occupe tout l’espace.
Ça en impose. Tu trouves ça graphique.
Non mais là, c’est quoi ? ça parle de quoi ?
Un énigmatique agencement de labyrinthes ?
Sûr que non.
Tu pourrais aller demander à l’accueil,
Tu préfères comprendre par toi-même.
Comme tout le monde,
Tu as ton téléphone portable à la main.
Alors tu flashes.
Jusque-là tout va bien,
Mais après ?
Après, tu es toujours dans cette rue,
Connecté.e à ton téléphone.
Tu accèdes à une vidéo.
L’image est fixe.
Ton téléphone émet une parole
Que tu ne comprends pas.
Te voilà dans une curieuse dimension !
A chaque connexion,
Apparaît une nouvelle image fixe,
Toujours selon le même rituel :
Deux mains jointes,
Sur un fond blanc,
Font offrande.
Ces mains offrent
De la terre, du coton brut, des graines de blé,
Des perles de bois, de la laine brute, de l’eau,
De la crème fraîche, des graviers, du gros sel,
Des fondamentaux à dimension
Symbolique, poétique, politique.
C’est à la fois curieux et si familier.
Ces paroles sont respiration.
Elles t’inviteraient presque
A la méditation.
Il s’agit de neuf décomptes,
De patients rebours, déclinés,
Égrenés selon le même rituel.
Latin, hébreu, néerlandais,
Perse, russe, brésilien,
Turc, arabe, ukrainien,
Quel travail !
Tu te demandes ce que tu fais là.
Cela fait un moment maintenant,
Que tu déambules devant cette vitrine.
Ta présence en est désincarnée.
D’autres s’arrêtent et se questionnent.
Tu as compris que ces neuf QR codes
Font œuvre et c’est toi qui active l’œuvre.
C’est beau ? ça te retourne !
Or, Morte ou vivantes,
Étrangement,
Ces langues sont dans le feu
De notre temps,
Incarnées par les adversités.
Ici-même, pacifiques !