Vidéo | 4:13 | Allemagne
Venir voir cette oeuvre
Pendant la liquidation d’une boutique d’antiquaire où je n’ai trouvé que de la tristesse, le dernier jour, la vieille propriétaire m’a dit : « Regardez les âmes perdues » et elle a pointé du doigt la forêt de feuilles en lambeaux sur le sol au fond de la pièce. « Prenez les, cela ne coûte rien, personne n’en veut. » Au-dessus de la pile se trouvait un petit pavé aux reflets bleutés. J’ai demandé à son propos : « D’où peut-il venir ? – Oh le cale-porte ? Je l’ai depuis des lustres, il appartenait au propriétaire précédent. Notre conversation a été brusquement interrompue – les étagères vides ont été emportées – je lui ai dit au revoir, en lui souhaitant « bonne chance ». Le soir, j’ai grossièrement classé les pages du livre et nettoyé la pierre de sa couche de poussière. Alors que je parcourais et triais les pages du livre, une épopée de 1787 sur un armurier injustement condamné, j’ai décelé une odeur indéfinissable émanant de ces pages aux lignes douloureuses. Ce n’était pas l’odeur typique des vieux papiers mais plutôt une odeur suave et poivrée – c’était comme si les pages avaient été humidifiées. Par ailleurs, la pierre aussi dans son genre – grossièrement taillée – retrouvait son aspect à la lumière de la nuit, de la même manière que je revis aussi dans les ténèbres. Songeant pendant la nuit, je pensais savoir où j’avais déjà senti l’odeur des pages du livre. En 1990, je faisais partie d’une résidence, d’un programme d’exposition « Jeunes Artistes en Europe, Fondation de Niedersachsen, Hanovre », lors de laquelle, j’étais logée dans un vieux monastère à l’extérieur de Hanovre. On m’avait donné une chambre seulement meublée d’un grand lit, posé sur un vieux plancher plutôt usé. Je me suis souvenue de cette odeur particulière, sans être capable de la localiser sur le moment. Les grandes dalles de pierre usées du cloître m’avaient particulièrement plu, mates brillantes dans les lumières du soir, avec leur beauté simple, alors que je passais, parfois, par là, quelques minutes la nuit. Pendant mes réflexions je me suis souvenue de « St. Maria im Kapitol », une église du début de l’époque romane construite avec un cloître et située non loin de mon atelier. Je m’y suis rendue, le lendemain matin, à la recherche de signes – les images vidéos ont aussi été prises là ; un plan a capté la croix de la peste de 1304. Bien que j’aie essayé de suivre la trace comme un chien renifleur, je n’y ai pas davantage percé l’odeur indéfinissable. Afin de donner forme à mon monde de pensées, j’ai commencé le soir à recouvrir entièrement les murs de mon studio avec les pages du livre, afin d’en garder une image. Sous cette impression j’ai ensuite écrit 26 strophes qui reflètent ce que j’avais ressenti de cette nuit.
En effet, pour moi, la recherche de réponses est aussi et toujours un questionnement sur soi-même – la possibilité de corriger des interprétations incorrectes ou de transmettre, en ce sens, un savoir (propre) – d’interrogations éternelles. From the horse’s mouth est aussi un dialogue avec soi-même à la recherche de la pureté absolue.
——
During the liquidation of an antiquarian bookshop where I found only sadness on the last day, the elderly owner said to me « Look at the lost souls » and pointed to the tattered forest of leaves on the floor at the back of the room. « Take it, costs nothing – no one wants it. » On top of a pile was a small paving stone, with bluish tints. I asked about the paving stone : « where might it have come from? – Oh, the doorstop ; I’ve had it for ages, it came from the previous owner. Our conversation was abruptly interrupted – the empty shelves were picked up – I said goodbye, wishing her the best. In the evening I roughly sorted the book pages and cleaned the stone from its layer of dust. As I skimmed and sorted the pages of the book, an epic about a wrongly convicted armourer (1787), I detected an indefinable smell emanating from the pages with the painful lines. It was not the typical smell of old printed paper, but rather sweet-peppery – it seemed if the pages had been soaked. Also the stone in its kind – roughly hewn – found its face in the lamplight of that night, as I too revive in the nights. Musing in the night I thought I knew where I had registered the smell of the book pages before. In 1990 I was part of a residency/exhibition programme ‘Young Art in Europe, Foundation of Niedersachsen, Hanover’ and during this time I was housed in an old monastery complex just outside Hanover. I was assigned a room with only one huge bed, which stood on an old rather worn-out wooden floor. Here I remembered the same special smell, without being able to localise it at the moment. The large worn stone slabs in the cloister had particularly taken my fancy, matt-glossy in the evening light, in their simple beauty, when I spent there sometimes a few minutes at night. In my reflection I remembered ‘St. Mary’s in the Capitol’ an early Romanesque church building with a cloister not far from my studio, to go in search of clues the next morning – the video footage were also taken there; in one picture fragment the plague cross from 1304 can be seen. Although I tried to pick up the trail like a sniffer dog, I could not decipher the indefinable smell here either. Out of desire to give form to my world of thoughts, I began in the evenings to cover the walls of my studio completely with the pages of the book, in order to receive a reflection from this. Under this impression then I wrote down my 26 verses that reflect the feeling of that night.
For me, a search for answers is also always a self-questioning – the possibility of a correction of misinterpretations or communication in the sense of (one’s own) knowledge – eternal questions. From the horse’s mouth is also a dialogue with oneself in search of absolute purity.