Vidéo | 30:00 | AllemagneVenir voir cette oeuvre
1:1 // un film poème sonique-stéréoscopique sur les souvenirs de voyage
de Telemach Wiesinger -cinématographie- et Alexander Grebtschenko -musique.
Une visionneuse stéréo en bois, qui produisait déjà la « 3D » à l’époque des pionniers du dessin léger, a inspiré Telemach Wiesinger pour son poème cinématographique d’une demi-heure. 1:1 s’empare d’un film 16 mm, noir et blanc, en distingue deux images différentes, entre lesquelles – aussi étonnamment différente- celle d’un stéréoscope se déploie une troisième dimension. En dialogue avec la bande originale conçue par Alexander Grebtschenko, 1:1 invente sa propre sphère en une expérience audiovisuelle particulière. Tissant des fragments de films et des images glanées lors de voyages, le poème filmique relate comment l’on est sur la route les yeux ouverts. Un jeune couple en villégiature, devant une propriété de campagne donnant sur la Loire ; elle joue au tennis de table, lui part à la pêche… Les images de ce calme paradis pour les pêcheurs glissent vers des paysages portuaires animés jusqu’au large horizon océanique : rêve éveillé, souvenirs du jeune pêcheur, enrichis des figures surréalistes créées par son esprit ?
Le jeu avec la « stéréoscopie » provoque des effets visuels inattendus. Parallèlement à de légers décalages temporels, en miroir ou complémentaires, les duos d’images dialoguent diversement : des moments en superpositions offrent des formes uniques, des positifs rencontrent leur négatif, des plans fusionnent et divergent à nouveau. L’élément eau se perçoit presque physiquement alors que ses mouvements ouvrent le désir de voyage. Quiconque penserait le 16 mm obsolète y perçoit son intemporalité.
Pour Telemach Wiesinger, l’atelier-cinéma pellicule est aussi essentiel que les pinceaux, les spatules et le pigment pour un peintre. De la prise de vue au développement avec étape de montage à la table d’animation, le matériau passe plusieurs fois entre ses mains. Tous les « effets » naissent de processus manuels : filtres et expositions multiples directement dans l’appareil, une BOLEX avec mécanisme à ressort, expérimentation avec projecteur mono-image et appareil-photo mono-cadre d’une imprimante optique CRASS, montage avec un adhésif presse cinématographique. Une planification très précise est nécessaire dans cette pratique artisanale – mais un peu de coïncidence y reste la bienvenue – par exemple, lorsque des cristaux d’acide citrique incomplètement dissous dans la solution du développement deviennent des flocons de neige ou des grêlons.
La version finale en HD expose non seulement le vrai grain du film mais aussi le potentiel créatif de tels défauts. Jamais un tel film n’aurait pu être réalisé avec des « applications » numériques. Le montage image et le travail sonore s’imbriquent étroitement ainsi l’image a-t-elle son pendant sonore. Le compositeur Alexander Grebtschenko, dont la création se déplace de la musique écrite à l’improvisation, de la musique électronique à l’installation sonore, combine pour 1:1 une composition de bruit artisanal et de musique instrumentale. Des transitions dynamiques et une arche musicale de premier plan fusionnent la danse des images en une unité audiovisuelle. La bande-son répond de manière complexe à la « stéréoscopie » visuelle et un dialogue passionnant se déroule entre le son et l’image.
Enfin et surtout, l’un des objets cinétiques surréalistes du compositeur rend l’humour des deux partenaires du film indubitable. Grâce à cet enthousiasme créatif, le nouveau poème cinématographique de Telemach Wiesinger transforme des scènes quotidiennes en bijoux cinématographiques. Les photographies en décomposition de l’ancienne visionneuse stéréo, photographiées par le photographe paysagiste Giorgio Sommer, 1834-1914, visibles vers la fin du film, rappellent l’inflation d’images qui commençait déjà alors. Le film-poème 1:1 a le pouvoir de résister à cette inflation – dans l’esprit de Jean Cocteau qui a probablement inventé la formule du « cinéaste poète » et qui écrivit: « Un film n’est pas un rêve qui se raconte, mais un rêve que nous rêvons ensemble grâce à l’hypnose.“
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1:1 // a sonic-stereoscopic film poem about travel memories
by Telemach Wiesinger (cinematography) and Alexander Grebtschenko (music)
A wooden stereo viewer, which already impressed people with « 3D » in the pioneering days of light drawing, inspired the German artist Telemach Wiesinger to create the half-hour film poem 1:1. The wide-screen image, composed on 16 mm black-and-white film, consists of two individual images each, between which – amazingly different from a stereoscope – a third dimension unfolds. In dialogue with the soundtrack designed by Alexander Grebtschenko, 1:1 becomes a unique audiovisual experience.
Woven from staged scenes and images collected on journeys, the film poem tells about being on the road with open eyes. The frame story shows a young couple in front of a country estate on the French Loire; while she plays table tennis, he sets off to go fishing … The pictures lure the viewer from a quiet angler’s paradise to busy harbor landscapes and a broad ocean horizon – perhaps a daydream, memories of the young angler, populated by the surreal figures of his mind?
The creative play with „stereoscopy“ unfolds an impressive visual effect. Parallel with slight time shifts, mirrored or complementary, the pairs of pictures enter into dialogue in many ways: overlapping parts that create their own unique forms, positives that meet their negatives, merging of content and diverging again. The element of water is almost physically perceptible, and its moving variety of forms guides the wanderlust.
Anyone who thought 16mm black-and-white film was obsolete will experience its timelessness in 1:1. For Telemach Wiesinger, the analog film workshop is as essential as a painter’s brushes, spatulas and paint. From recording to developing to composition at the animation table, the material passes through his hands several times. All « effects » come from the manual process: the use of filters and multiple exposure directly in the camera (a BOLEX with spring mechanism), experimenting with single-frame projector and single-frame camera of a CRASS optical printer, editing with an adhesive film press.
A lot of exact planning is necessary in this handicraft art, but a little bit of coincidence is welcome as well – for example, when incompletely dissolved crystals of citric acid in the developer solution appear in the image as snowflakes or hailstones. 1-to-1 in the making, the final release in HD on DCP shows not only the real film grain but also the creative potential of such defects. The astounding result of Wiesinger’s consistent approach clearly shows : Never could such a film be made with digital « apps ».
The editing and sound work on this film was closely intertwined, and so the elaborate image finds its highly appropriate counterpart in sound. Composer Alexander Grebtschenko, whose work moves in a wide field between written music, improvisation, electronic music and sound installation, combines for 1:1 artisan noise-making and instrumental music in masterful studio work. Dynamic transitions and a leading musical arch merge the dance of images into an audiovisual unity. The soundtrack answers the visual « stereoscopy » in a complex way and an exciting dialogue unfolds between sound and image. Last but not least, one of the composer’s surreal kinetic objects, performing in the film, makes the humor of both film partners unmistakable.
Thanks to this creative enthusiasm, the new film poem of Telemach Wiesinger is capable of transforming everyday scenes into cinematic gems.
The decomposing photographs of the old stereo viewer, photographed by the once famous landscape photographer Giorgio Sommer (1834-1914), appearing towards the end of the film, are reminiscent of the inflation of images that was already beginning at that time. Filmpoem 1:1 has the power to withstand this inflation – in the spirit of Jean Cocteau who probably coined the term « cinéaste poète » (poet-filmmaker) and once wrote: « A film is not a dream that is told, but a dream that we dream together thanks to hypnosis.“
See you at the cinema!
(Thomas Spiegelmann, 2021)