Murmurations, 2025, installation (FR – Toulouse) :
« Trois aquariums remplis d’eau, placés devant une fenêtre. Dans chacun d’eux, une structure en plastique est immergée. Quand on les regarde de côté, tout est transparent, limpide. Mais dès qu’on se place en face, un changement radical opère : le fond devient complètement noir et le plastique se pare d’irisations colorées intenses, révélant un entrelacs de motifs évocateurs de certaines structures cérébrales microscopiques.
Derrière cette installation, il y a l’envie de contempler, par le biais du tangible, une question : alors que les outils d’intelligence artificielle gagnent sans cesse en complexité, est-il possible qu’ils deviennent un jour conscients ? Ou est-ce qu’un autre phénomène, en quelque mesure analogue à la conscience, émergera ? Quelque chose de nouveau, d’unique à cette technologie. Une sorte de singulière murmuration -comportement typique des grands groupes d’oiseaux en vol, notamment visible chez les étourneaux et qui émerge seulement à partir d’un certain niveau de complexité.
Quand j’ai commencé à m’intéresser à ces questions, troublantes et fascinantes à la fois, il m’a semblé ne pouvoir compter que sur des textes et des images pour m’aider à les appréhender. Des ressources certes importantes et intéressantes, mais il me manquait quelque chose. Je regrettais l’absence d’objets, de matières, qui soient susceptibles de donner une dimension viscérale à ces réflexions, qui puissent ancrer l’apparente immatérialité d’un phénomène aussi impalpable que la conscience dans une matérialité bien concrète. J’avais envie de me retrouver face à des fragments substantiels, des bouts de choses plus à même de faire naître le vertige du réel.
J’en suis ainsi venu à créer ces structures, qui réunissent trois caractéristiques :
– D’une part, elles sont traversées par des motifs complexes, susceptibles de rappeler la configuration des réseaux neuronaux présents dans un cerveau humain, qui, sans que l’on sache encore par quels processus, donnent a priori naissance à la conscience. Ces motifs sont ici obtenus grâce à une propriété, la photoélasticité, qui, combinée à des polarisants, permet de visualiser les déformations subies par un matériau plastique.
– D’autre part, leur forme globale se réduit à une figure géométrique basique, un rectangle, un cercle, un cube. Comme une manière d’évoquer ici l’architecture numérique « simple » – un langage binaire de 1 et de 0 – et les composants inorganiques qui sous-tendent le fonctionnement des outils d’intelligence artificielle.
Prises ensemble, ces deux caractéristiques me semblent avoir le potentiel de convoquer ce que je cherchais : la possibilité d’être face à des fragments matériels évocateurs d’une intelligence artificielle. L’opportunité de s’approcher de ses structures anatomiques fines, à la fois analogues aux nôtres et profondément différentes.
– C’est pourquoi, enfin, elles sont présentées dans des aquariums, comme si elles faisaient partie des collections anatomiques d’un musée, rejoignant l’ensemble des spécimens et fragments de corps conservés dans le formol. J’ai déjà été bouleversé par certaines de ces collections. J’ai essayé ici de reproduire les conditions qui donnent à ce genre d’expériences une qualité bien particulière, une sorte de doux vertige suspendu qui continue de nous accompagner bien après avoir quitter les lieux. »
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