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1. isdaT Projections
Michaela HOFFOVÁ, Orfea, 11min (FAMU, Rép. Tchèque)
Le conte est souvent cruel, alors qu’il apprend à l’enfant et, par
là, au groupe social les dangers, les menaces à efacer et les
croyances à adopter. L’animation est un espace des plus adéquats
pour y exercer la force de telles histoires où s’emmêlent amour
et mort. Entre deux ouvertures de la même montre-gousset
avec le même portrait d’un jeune homme, se déroulent sa vie,
la rencontre amoureuse, la relation sensuelle avec long baiser, le
départ à la guerre, les dangers, la mort, l’emportement sur un
navire déjà naufragé, les sirènes à leur fonction d’ensorcellement,
la pétrifcation, le sursaut de la vie, la mort défnitive et la ruse
de la femme pour rejoindre son homme mort en dessinant sourcils et moustaches avec les cendres de son corps.
La lune donne son croissant comme visage à un surveillant des actes humains, qui ricane à dents acérées, tape sur
son tambour anéantissant les papillons et accélérant la séparation.
L’homme est diféremment lunatique à la manière des fgures de Magritte, chapeau melon, manteau noir – sauf
quand le barda guerrier ôte cette civilité - il croise un œil de même type et sa femme adopte la coifure noire ondulée
topique de cet univers pictural. Ils sont faits pour être ensemble. Leur langue se touche longuement, elles ont du mal
à se séparer. Les sirènes ressembleraient à la femme ; vivantes mais sans chair, mutilées ainsi que des statues dont
elles partagent la couleur, elles ont des capacités de chant. L’homme dans la bateau qui a tout du navire fantôme,
pleure, son cœur bat rouge ou s’empierre… ou redevient organe pompeur de sang et de vie selon ses pensées, ses
souvenirs et/ou ceux de la femme désormais seule. Les changements de lieux, comme de matière ne s’expliquent
pas, heureux ou tourmentés, mais ils suggèrent que penser à l’autre ranime la vie. Et si l’amour est fort, rien ne
remplace l’autre et il faut le joindre. Conte qui puise à plusieurs sources, sans morale mais avec la reconnaissance
du poids de l’amour et de l’inéluctabilité de la mort.
Simone Dompeyre
Sariel KESLASI, Altneuland, 6min (Bezalel, Israël)
« Altneuland » : Terre ancienne. Terre nouvelle ; cette interrelation
du passé et du présent porte la pensée utopique du roman
éponyme de Theodor Herzl, qu’il écrivit en allemand de 1899 à
1902, comme proposition du futur état juif. Si cet ouvrage fort de
sa conviction de retour en Israël a été traduit en de nombreuses
langues, son approche en animation de Sariel Keslasi n’est pas
dénuée d’humour ni de quelque désabusement.
Les voyageurs chargés de bagages encombrants y compris de
meubles comme aussi de bouées d’enfants, y débarquent d’un
autocar brinquebalant, à un arrêt sans bâtiment réduit à une
pancarte. La terre espérée est un désert sous grand soleil qui
dessine forces ombres, jalonné de poteaux électriques dont cependant les fls ne se rejoignent pas voire pendent
inutiles.
Les arrivants forment un groupe aux traits communs : deux femmes en maillots de bain, trois hommes en
salopette, tee-shirt ou torse nu, en dessin simplifé, corps massif, visage carré au bout d’un cou girafe, tournant
en panoramique, se levant pour vérifer le nom de la station ou pour regarder avant de l’imiter celui qui escalade
le dernier / premier poteau. Ils auscultent le lieu, sans parole puis s’imitent dans une improbable montée, sous les
grincements, du panneau « Altneuland », dont ils acceptent la fonction toponymique. Quant à la station « numéro
48 », n’est-elle pas le rappel de la date de fondation de l’État d’Israël par David Ben Gourion ?
La terre nouvelle est aride, vide ; ils y sont venus guidés par le livre sur lequel le meneur souligne, de sa pipe, le
titre. Le support tangue, rien ne se découvre dans l’immensité vide, seul un ridicule petit fanion volète à l’instar du
foulard de l’une des « acrobates ». Le vent en meut les lanières et fait chuter la pancarte de l’utopie.
Ils s’agglutinent sur le poteau qui penche, oscille alors qu’une valise en tombe. Ils s’accrochent, chacun cependant
s’aidant des autres, à l’espoir de cette terre sans espoir ; blanche, sans arbres ni maisons… avec pour seul animal,
un oiseau tache noire qui traverse le ciel tout aussi blanc que l’ensemble du paysage. L’espoir défendu par le
roman, de la possible délivrance du peuple juif à laquelle Herzl engageait par un simple « Si vous le voulez, ce
ne sera pas qu’une légende » est réduit à l’escalade de tout le groupe, alors que le poteau ne garde du mat de
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