Page 6 - catalogue_2012
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Avant-propos : Faut Voir




A lire à voix haute, avec intonation « faut voir! / faut voir? / faut voir… » qui transforme le doute
d’une nécessité de voir, en question sur la motivation à voir, ou sur l’existence d’un objet du voir, en
impératif de voir… alors même que cet ordre peut lui-même se moduler en invite, en conseil, en obligation
ou plus encore en devoir.
Certes toute manifestation d’art, sinon toute création, repose sur le désir, sinon le projet de faire
voir, voire d’en faire voir, avec ce risque d’adhérer à une « politique des publics », une politique du « faux
voir ».
Celle-ci, loin d’ouvrir l’accès à des œuvres réputées difficiles par une sensibilisation pensée, par la
formation ou par une médiation intelligente, se conçoit en choisissant ce qui ne fait pas barrière : le joli, le
ludique, le distrayant.
Sous prétexte de démocratisation, elle peut dénier au public qui ne se rend pas dans les musées, ni dans
les expositions, cette faculté de saisir des clefs qui les lui ouvriraient, et ne lui accorde souvent comme
œuvres que celles estampillées à l’aulne de cette politique.
L’appétence de l’œuvre ne suit pas de simples aptitudes naturelles, déterminées, réservées à tel groupe
social choisi, mais s’avère résultante de l’inégalité de la formation artistique et des immersions qui lui sont
liées.
Traverse Vidéo n’a ni les compétences ni les pouvoirs de ce renversement… mais par la
déclinaison induite par sa thématique, elle voudrait attirer « à voir » pour se faire - au sens fort d’acte pensé
- un regard à soi, à chercher à regarder, à regarder plus précisément, à prendre du temps, saisir ce voir.
Voir pour comprendre, mais au sens du mot godardien de « prendre avec soi », et non pas au sens
de se satisfaire d’une explication reader’s digest…
Faut voir ? oui, il faut voir pour (mieux) voir sans préjugés, consciemment…

Simone Dompeyre






































6 15ème édition des Rencontres Traverse Vidéo
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