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         Carte Blanche à Ron Dyens-SACREBLEU Productions

                 dans un jeu « ciseaux/pierre» où ils tendent une motte d’herbe ou une rose rouge à longue tige avant une
                 marionnette tenue comme le crucifix de l’exorciste.

                         Ils introduisent en gestes calculés et calmes, deux marionnettes qui parallèlement s’avancent avec
                 une légère différence dans le mouvoir: figures de danse classique pour « elle », de hip-hop pour lui - du
                 moins si on tient à un parallèle de genre avec les deux démiurges. Hormis leur souplesse différenciée, rien
                 ne les distingue ; pas de traits de visage, une silhouette pétrie, type papier mâché, nue.
                 Leur bataille se passe des premiers : à leur tour, les figurines se toisent, se battent rudement, elles chu-
                 tent, se redressent, recommencent ; elles grandissent, se doublent, se triplent etc. très loin du bonheur
                 chorégraphique émis par le Pas de deux de McLaren, pionnier encore pour cette « imprimerie optique »,
                 par laquelle il répétait, multipliait une image, enrichissant ces duos plus pacifistes et amoureux.

                            Un espace second se creuse, son fond bleu nuageux prend la couleur rouge quand « elle »
                 prend le dessus ; cet enfoncement est celui où faire tomber l’autre ou se l’assujettir; le pousser y compris
                 par le pied sur la nuque. La violence est triomphante; sans raison avancée, après un duo où chacun use
                 de ses aptitudes, faisant parfois mine d’accepter l’autre, ainsi, lui la jette-t-il sur le fond redevenu plat après
                 l’avoir faite tourner.

                            L’affranchissement - non annoncé mais que le schéma hégélien faisait attendre - réintègre les deux
                 «humains», au sol au début et regardant une estrade aussi haute qu’étroite après que la figurine ayant
                 dansé seule, sans besoin de l’injonction de son manipulateur, s’y exhibe, virevolte et telle Shiva, la dées-
                 se hindoue créatrice, meut plusieurs bras.

                            Cependant la dernière étape oublie cette accalmie et le très gros plan des deux manipulateurs
                 sature le champ, ils ouvrent et ferment les yeux puis un seul oeil !
                 Ils grimacent avant que le numérique ne grimace, ne détériore leur image, selon les variations de sa palet-
                 te, multiplication ou grossissement d’un élément du visage, séparation, stratification jusqu’au dernier face
                 à face. Puis ils se perdent littéralement l’un dans l’autre, se défont dans le mouvement de l’image calcu-
                 lée, qui, comme lors de la bataille, prend de la couleur dans sa mosaïque mouvante avant de s’achever
                 dans le blanc du sans image.

                            Dès lors, se pose la question de la réalité du péril, qui ne serait pas seulement provoqué par le
                 comportement agressif de l’homme, y compris caché dans les moments de séduction, mais que la domi-
                 nation absolue de la machine-ordinateur entraînerait si elle effaçait les autres images.

                                                                                             Simone Dompeyre

Cinéma expérimental, art vidéo, monobandes - Processus                                                                                65
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