Page 22 - Catalogue_Traverse Vidéo_2018
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Des mots...
et courageux, qui osent me lire, me visionner, m’analyser, m’envisager, m’affirmer,
me revendiquer, m’intégrer dans une Histoire de l’Art référencée. Et bien voilà, je
l’avoue : je rêvais que Simone Dompeyre écrive sur ma pratique artistique, qu’elle
pose ses mots et son regard critique sur mon travail. Je me suis délectée de performer
le 9 mars 2018 en songeant à l’éventualité d’un texte qui m’envisagerait autrement
que depuis moi-même.
Mais la décevrais-je au coin d’une rue du fait d’un geste subitement inhabité pour
quelque raison que ce soit ?
La performance de La Jeune mécène a trouvé son public nombreux et curieux au lycée
Ozenne, L’Artiste à l’international a arpenté les rues de la façon la plus dominatrice
qu’il soit possible de faire, et j’ai palpé à travers elle, la jouissance que c’est d’être
maîtresse de la rue, et La Galeriste a fait du voguing sur la scène du Cratère, soit des
« gestes d’autorité » dansés ; et tout au long de la performance itinérante, j’ai distribué
des centaines de billets aux effigies de ces personnages. Le rire ayant ponctué mes
passages : j’étais comblée ! Mais si malgré mes enthousiasmes viscéraux je passais
à côté de tout ? Voire à côté de moi-même ? Alors, la décevrais-je au point qu’elle
n’écrive pas sur moi ? Mais non, cela ne se passe pas comme ça. Car il est question
d’engagement : lorsque Simone Dompeyre fait le choix de soutenir une pratique et
de la diffuser, ce n’est pas fait à la légère, elle se plonge totalement dans chaque
pratique pour en comprendre la substantifique moelle. Et elle traverse ainsi le champ
de l’expérimental.
Sophia El Mokhtar
depuis la région Occitanie
***
Je suis Samuel Bester et je suis un homme. Il m’arrive des tas de choses. Par exemple,
une fois, je suis allé à Paris et il a plu. Je suis aussi allé à Traverse à Toulouse, c’était
en 2018, en mars, il y a une éternité. Pendant ce séjour, j’ai traîné dans des salles
obscures mais pourtant pleines de lumières. Bien entendu que je sais parler d’une
vidéo ! Mais par tradition, je ne le fais pas – ou si peu – alors parler d’un festival de
vidéos et de films n’en parlons pas ! Je peux rentrer dans une salle de projection,
me recueillir avec les autres chercheurs de phosphènes et m’asseoir pendant des
heures, sans compter. Mes pensées alors vont au même endroit. Mais comme je suis
mortel et que je ne sais pas quelle est ma destinée, j’ai du mal à parler juste après.
À peine je sais d’où je viens, à peine je pourrais dire où ces expériences me mènent.
Et pourtant, je suis face à cette immensité, cette grande variété.
Ah ! Ces images-mirages. Parfois on s’envole, parfois on s’enfonce, je garde mon
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