Page 46 - catalogue 2017
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Projections 4. Cinémathèque de Toulouse




La puissance motrice de l’amour selon les lois de la thermodynamique, énoncées par un très gros plan d’un homme,
est prouvée par l’application des lois menée par de vigoureux jeunes hommes habillés de tee-shirts rayés à la
Gaultier, qui exhibent leur musculature sur les pistons, ou par le volètement d’une couronne de sœurs énamourées
fottant autour de l’image du Christ / beau jeune homme.
Le flm devient lui-même une machine menée par la Puissance, par l’amour-feu, dès lors amour-puissance. La
parabole est explicite, la connaissance du feu et de sa puissance renseigne sur l’Amour ; le Théorème de Carnot et
l’entropie aident à rationaliser l’amour, à le mener. L’amour est un échange de chaleur humaine.
Le corps de Marie est froid puisque vierge, elle n’a jamais reçu d’amour et c’est le Saint Esprit Saint qui l’entraîne à
son point d’ébullition, ainsi peut-elle à son tour produire le véhicule de la chaleur dont elle a été saturée, Jésus. Le
corps des jeunes hommes sont aussi porteurs et provocateurs de chaleur / désir que celui des jeunes religieuses...
et ils doivent s’y consacrer selon les préceptes fondamentaux de l’Église Thermo-Evangélique. Dans le ton calme
d’une évidence absolue, les trucages en verve renversent l’image illusionniste ; inépuisables, joyeux et narquois, ils
sapent le moralisme froid susceptible d’arrêter la machine de la vie / de l’amour.
Cf. Charles Ritter, Le Deuxième Principe de la Thermodynamique appliqué au Mythe de l’éternel retour, p.132
Simone Dompeyre
Masha YOZEFPOLSKY, Noli me tangere, 6min20 (Israël)

Une trame tressée temporelle : d’étranges gestes ; développement
de l’image et développement temporel du flm lui-même en
montage alterné ; L’IMAGE INTERROGATION l’image mémorielle
métaphorique, l’interdépendance entre intellect intra et extra-
diégétique. Deux instances se confrontent dans le montage alterné,
retenant pourtant le même homme, dans un même lieu.
Un gros plan inversé de son visage, dans le refet d’une bassine
remplie d’eau, introduit l’instance première, alors qu’il procède à la
dépigmentation de vieilles photographies par bains prolongés et en
les frottant successivement du bout des doigts. Assise en face de
lui, une fllette, sèche les clichés avec un torchon par tamponnement. Des panoramiques horizontaux juxtaposent
par passages au noir la seconde instance, où l’homme exorbite les yeux de têtes de poisson, avant de les disposer
délicatement dans une coupe en verre remplie de glace.
La bande originale, composée de sons concrets anecdotiques, proches du bruit d’un bâton de pluie et de l’entrechoc
de petits coquillages, connote respectivement le temps d’un retour dans le passé suscité par les photographies, et
le va-et-vient régulier des vagues en milieu marin, relatif aux poissons décapités. Elle intègre ponctuellement des
bribes de voix sur les gros plans des clichés, associées à des échos, qui foisonnent jusqu’à l’émergence progressive
d’un bourdon continu.

La bande sonore lie dialectiquement ces deux espaces isolés qui manifestent le caractère obsessionnel des deux
activités : la répétition des gestes dans la lenteur, la précision et la minutie comparables à des rituels, connotent le
désir profond de mener au mieux les tâches exercées. Les vêtements, unis dans la sobriété, ainsi que les espaces
périphériques d’un noir absolu, corroborent par opposition colorimétrique l’attachement à l’aspect matériel de
l’exercice.

La multiplicité des travellings, toujours en légère plongée, distingue un isolement spatio-temporel, tout en instaurant
un regard omniscient et arbitraire, qui maîtrise le parallélisme des deux instances. Une telle distance efective, celle
du montage alterné, suggère deux strates de la pensée humaine, en l’occurrence celles d’un même homme. En
efet, la seconde entité temporelle reconnaît dans la première entité, son désir subconscient de trouver dans ses
clichés ce qui ne peut se percevoir - par les bribes de voix qui s’en dégagent -, à savoir les aspects sensoriels d’une
époque révolue. L’inconscient révèle le maillage d’une idée par la perception, l’émotion de l’homme, qui, les mains
nues, scarifant les yeux des poissons à l’aide d’un scalpel, assure son plaisir du palpable - de la chair - dans la
plus grande proxémie.

Une troisième occurrence se fragmente en trois gros plans successifs qui privilégient les trois étapes du rituel,
métonymiques du cheminement du souvenir par la pensée. Elle scelle la rencontre de sens par la disposition des
éléments sur la table : les têtes de poisson indemnes d’une part, la coupe remplie d’yeux au centre et les têtes de
poisson évidées d’autre part, respectivement les photos sépia, la bassine et les photos dépigmentées. L’insistance
des gros plans sur la coupe recentre l’intérêt de l’homme sur l’étape de la révélation dans sa double acception, porté
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