Page 47 - catalogue 2017
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4. Cinémathèque de Toulouse Projections




par le désir de découvrir et palper un sentiment, plutôt que celui du résultat obtenu. S’il ne peut pas recouvrer le
passé, « voir » implique un « toucher », dans la plus totale dépendance.
Cependant, une telle pulsion scopique attire la dialectique entre « regarder » et « être regardé », d’emblée augurée
par le premier plan du refet et poussée à son paroxysme par les incisions répétées.
L’unique plan fxe du visage de l’homme, sans ses lunettes, décrit un regard vers la dernière photo qu’il baigne, celle
d’une jeune femme. Le regard attendri et nostalgique de la fllette reconnaît une particularité de cette photographie.
Le titre, de sa traduction « Ne me touche pas », au-delà de sa référence biblique - phrase prononcée par Jésus
ressuscité à Marie-Madeleine -, porte la jeune femme à un degré de sacralité, sacralité que l’on retrouve dans la
nécessité d’élever l’œil, sans le toucher, à la hauteur de la coupe - par analogie au Saint Calice ou au Graal -, avec
une cuillère prévue à cet efet.

Un panoramique, dernier plan du flm, qui retient la table des poissons et de la coupe sans l’homme, suppose que
ce dernier rapprochement photographique a permis à ce dernier d’achever le deuil de sa femme disparue, qui avait
valu à celle-là la sacralisation d’un amour immortel.
Fanny Cestier

Séance du 11 mars 2017



Alexei DMITRIEV, Dubus, 2min (Russie)

Alexei Dmitriev produit une partition musicale-footage de Sun Valley
Serenade, de Citizen Kane, de Casablanca, de Some Like It Hot et
de Sur les Quais en un retour enjoué à cette période hollywoodienne
qui, entre 1940 et 1960, défendait le jazz par l’inclusion, en parfait
efet de réel, de la scène canonique de l’orchestre. Il en retient
la description des instruments et de leur pratique, la découverte
des musiciens blancs et noirs, des danseurs de spectacles de
claquettes ou des jeunes flles de revues, en fond de romance voire
comme prétexte narratif puisque le couple - pianiste de bar et
jeune flle - chante de part et d’autre de l’instrument.

Il y intègre les danseurs en couple, en une danse portée très
amplement par les phrasés rythmés. En efet, les fragments
dansent, les plans opèrent des rythmes qui leur font suivre
une cadence; rythmes qui, cependant, en refusent toute naïve
nostalgie, mêlent au jazz de l’électronique et du dub ainsi que - après l’assassinat de King Tubby le 6 février 1989
- des groupes britanniques l’avaient initié en développant un son plus radical et violent que le dub originel, par
l’introduction de tables de mixage, de boîtes à rythmes et de synthétiseurs.
Depuis les types de dub se rencontrent jusqu’aux projets de « dub hybride » dont certain développe un dub planant
orchestré comme une musique de flm... Alexei Dmitriev très astucieusement renverse le processus, il revient aux
flms de plaisir musical, il en fait des instruments ou des samples pour notre plaisir sans contrainte et avec humour
devant le déhanchement de l’image en accord avec le son directeur du musicien et chanteur russe Zelany Rashoho.
La musique-montage prime.

Simone Dompeyre

Boris DU BOULLAY, J’ai un problème avec France Gall, 8min45 (Fr.)


Boris du Boullay aime la parole pleine même s’il se plaît à une évidente distanciation de ses propos alors même
qu’il provoque ce plaisir pas si fréquent devant de telles improbables rencontres entre la vidéo et la philosophie.
Philosophie qu’il convoque sur ce terrain des variétés télévisées parce qu’il creuse, encore et toujours, un sillon
phénoménologique sur l’idée que « le cinéma peut restituer le temps antérieur en lui substituant des traces de
l’absence ». Boris dit son cinéma marqué par Rossellini, Duras, Tarkovski, Chaplin ou Rozier; pourtant si on écoute
J’ai un problème avec France Gall, on lui prêterait volontiers des accents d’un Rohmer mâtiné de Keaton.
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