Page 51 - catalogue 2017

4. Cinémathèque de Toulouse Projections

Byol-Nathalie KIMURA-LEMOINE, Choix et Détachement, 1min40 (GIV, Can.)

Le footage privilégie l’emprunt de la bande image pour, en un autre
montage, provoquer un nouveau discours, il retient le son pour, en
contrepoint, transformer le premier discours et, plus rarement, il
puise à deux sources, pratiquant au carré l’investigation. L’option
afchée par Choix et détachement, loin d’être contradictoire, en
énonçant la nécessité « d’opter » pour « s’éloigner de ce que
l’on choisit », implique que certains choix loin d’être libres sont
déterminés par l’environnement social, par les contraintes de la vie.
Elle le fait dans la réunion de deux scènes de fction concernant la
séparation d’une mère et de son enfant. Elle mixe l’explicit image
de Paris, Texas de Wenders, 1984 - quand le jeune fls doit quitter sa mère - au dialogue du Choix de Sophie
de Pakula, 1982 où Sophie, survivante des camps de la mort nazis, doit à leur arrivée au camp, « choisir » ou
plutôt désigner lequel de ses deux enfants serait immédiatement tué. Les deux récits s’agrippent sur la question
de l’amour maternel. L’un décrit le desserrement des bras d’une mère obligée de laisser partir son fls, sans mots,
sans cris en un silence lourd ; l’autre hurle en allemand, des « non » en pleurs et en crescendo face à la rudesse
d’intonation d’un homme jouissant d’obliger une mère à décider qui de son fls ou de sa flle sera mis à mort. Dans
les deux se confondent la séparation forcée et la destruction du lien. L’un sans mots regarde, l’autre sans visage
dans ce montage vertical, sanglote « Non, ne me faites pas choisir ».

D.S

Silvestar KOLBAS, Kino crvena zvijezda / The Red Star Cinema, 11min (Croat.)

Durant le confit de l’ex-Yougoslavie, Silvestar Kolbas a souvent
flmé, en tant que cameraman de guerre, à Vinkovci, la ville croate
de son enfance. Dans les décombres du cinéma Red Star, qui
avait été le déclencheur de son projet de devenir cinéaste, il
récupéra des fragments de pellicule de flms produits par l’ancien
gouvernement. Leur trop mauvais état interdit leur restauration.
Entrant dans la lignée des Jürgen Reble, il a fait flm de tels
éléments détruits. Il a fait des traces rescapées du passé un nouvel
objet produit par le travail de décomposition. Certes, il n’a pas
comme celui qui s’est déclaré « alchimiste » enterré ni suspendu
aux branches pour une transformation par la nature de la pellicule
mais il a profté de la détérioration par la guerre et travaillé sur ces
« rebuts ».

Trois matrices se reconnaissent réitérées par le nouveau montage : une partie de jeu de palet dont l’élément est
lancé par un adulte à chapeau / un paysage urbain avec vieux pont de pierre et rares promeneurs / une réunion avec
un orateur, seul moment qui compte plus d’un plan et variant l’échelle et l’axe de prise de vue. Trois genres et trois
préoccupations éloignés deviennent notes de cette partition cinématographique alors que la musique oppose l’air
américanisé à celui type URSS mais leur préfère la voix ralentie, amplifée, repassée, interloquée.

Sous les icones se découvre la pellicule comme matériau fondateur : les zébrures, les raies se densifent, les taches
se meuvent, la couleur varie et vainc l’iconicité pour atteindre le tableau abstrait en mouvement ; le discours a perdu
toute importance, des bruits remplacent les paroles. Le teintage transforme l’image référentielle en motifs. Ainsi le
cinéma se fait-il histoire du cinéma comme matériau fragile et expérience des sens. The Red Star Cinema dit ainsi,
à la fois, la perte de cette salle et sa résurrection par ce moment d’activité intense au-delà de tous les scenarii.
Ralenti, mouvement dans le champ, agrandissement du motif, reprise du même font ce flm sur les traces de la
décomposition. Les amorces se déclinent en chifres, les inscriptions techniques manuscrites surgissent aussi en
ponctuation. Ainsi du mort surgit le vif.

Ainsi au-delà des histoires, restent le flm et le souvenir de la salle de projection des flms.
Simone Dompeyre
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