Page 16 - Catalogue-livre_Rencontres Traverse 2019_L'Expérimental-recherche-art
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Thématique
Au-delà d’une narration, il interroge ce qu’est le cinéma comme machine à produire
des figurations, des défigurations de l’ordre du désir. Il explore les potentialités
du matériau et se refuse au strict usage de conteur d’histoires. Il suit dans cette
démarche les étapes des arts plastiques.
Et comme chaque nouvelle forme d’expression artistique, le cinéma, puis l’art
vidéo, puis l’art numérique ont dû et doivent se battre pour être reconnus ; cela
même la peinture l’a subi1 puisque d’abord et jusqu’au xive siècle, sans muse
dévouée à elle, elle fut considérée comme artisanat… quant au cinéma, il
réclama d’être art – le septième – contre sa relégation aux divertissements
forains ; plus récemment, la vidéo dut, elle, accrocher le terme « art »,
s’auto-déclarant de ce champ et réinvestissant cette image en critique du prêt à
penser, du prêt à voir/prêt à entendre. Désormais, l’écriture numérique investit un
champ de potentialités, en partant de l’outil informatique généralisé, mondialisé
par les pratiques sociales, professionnelles, industrielles… l’art numérique se fraie sa
propre initiative hors de la pratique d’usage. Reste que certains utilisent la machine
sans préoccupation de ce qu’elle fait, de qu’elle peut alors le numérique demeure
un outil et non un médium. TRAVERSE 2019 est née de cette non-reconnaissance
de l’art qui cherche.
L’art invente ses propres modes, travaille en métaphores et s’avère au moins ou aussi
une réflexion sur ce qui fait image désormais, sans naïveté. Il se doit aussi sans doute
à interroger ce avec quoi il fait image/son : le numérique…
Pourtant de faux débats y compris chez ceux qui participent à l’invention de formes/
discours/pensées, distingueraient recherche et art. En renvoyant le chercheur au
laboratoire et l’artiste à l’œuvre, ne reconduisent-ils pas subrepticement à un art de
parfaite et pleine conscience, ou dans le même temps et contradictoirement à un art
d’inspiration, quand une muse susurrerait la marche à suivre, dans le déni de cette
inséparabilité de la recherche et de la création.
Le propos de cette Traverse 2019 n’est pas historique, il ne réveille pas Leonardo
et ses machines, quand la mathématique se fit base de la cosmétique/du beau2.
1 Autres preuves historiques, les Académies de peinture durent attendre 1563 à Florence, la première en place,
1590 à Rome ; plus encore en France, Mazarin la fonde en 1648 durant la Fronde afin que les artistes puissent
échapper à l’organisation réglementaire des corporations ; elle a des fonctions de formation et de réflexion
théorique conjointes. Quant à l’Académie Royale, elle attend le début du règne personnel de Louis XIV en 1663.
2 Le cosmétique a glissé depuis vers les salons de beauté, mais lorsque le Quattrocento rassemble la question du beau
et de la mathématique, il se fonde sur la beauté du monde, le Cosmos VS le Chaos, le monde créé harmonieusement
selon les calculs d’un Dieu mathématicien. On connaît la formule de Galilée au xvie selon laquelle « le monde est
écrit en langue mathématique » ainsi connaître la mathématique s’impose pour comprendre le monde, de même,
appliquer des calculs géométriques pour composer ses peintures était s’approcher au plus près du monde créé
mathématiquement par Dieu.
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