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Vidéos Nomades
Claudie Lévesque, Quaranta, 2,38min
La règle du jeu ou des nouveaux Ouxpo/Ouvroirs
d’X Potentiel
Après l’Oulipo, réelle impulsion fondatrice, les
Oupeinpo, Outrapo, Oubapo,Ourapo souscrivent à l’éclat de
Baudelaire contre les détracteurs de la reprise du sonnet
« Parce que la forme est contraignante, l'idée jaillit plus
intense ! » lança-t-il dans une lettre à Armand Fraisse, du
18-19 février 1860. En effet, tous ces ateliers créent en s’imposant des contraintes.
Désormais ce serait le temps de l’Ouporpo, « Por » remplaçant portable, pour téléphone
portable… comme l’Oupeinpo / Ouvroir de peinture potentielle ou l’Oubapo de bande dessinée
potentielle se sont bâtis et nommés sur le modèle de l’Oulipo.
Sous l'égide de Lars von Trier, le cinéma a choisi d’accentuer la notion d’obligation plus que
celle du jeu en se désignant comme Dogme 95 - 95 car édicté en 1995. En réaction contre les block-
busters et le règne des effets spéciaux dans le cinéma contemporain, il prônait une sobriété originelle et
énumérait un décalogue que, cependant, peu de films ont réellement suivi. Lars von Trier réalisa Les Idiots
et Thomas Vinterberg Festen en adoptant certaines des dix obligations, qu’il avait lancées, mais sans doute
en oubliant la dixième, le « Vœu de Chasteté ». Accessoires et décors ne doivent pas être apportés (si on a
besoin d'un accessoire particulier pour l'histoire, choisir un endroit où cet accessoire est présent ; la caméra
doit être portée à la main. Tout mouvement ou non-mouvement, possible avec la main est autorisé. Le film
ne doit pas se dérouler là où la caméra se trouve. Le tournage doit se faire là où le film se déroule...
Le cinéma super 8 moins sévère aime les petits films avec contraintes… car il reste ainsi très pro-
che de l’esprit laboratoire, les contraintes entraînant à s’aventurer dans tous les processus de l’écriture
d'un film. Carole Contant a apporté les siens pour une séance de cette Traverse, ils répondent à une thé-
matique et à l’origine étaient liés à la brièveté de la pellicule super 8.
Ceci va, évidemment, à l’encontre de l’idée romantique de l’inspiration avec son lot de Muses,
et d’une appréciation déviée de la liberté*. En effet, les appels d’œuvres accompagnés de contraintes effa-
cent les préoccupations extérieures pour se focaliser totalement sur l’acte volontaire de création ; la
contrainte artistique est polymorphe, elle se porte sur des critères plastiques, thématiques, théoriques…
elle est un jeu de création et non un carcan. Certains la désignent, sans crainte de l’oxymore, comme
"contrainte libératoire". Si elle réclame tel médium ou tel matériel, elle ne dicte pas.
Ainsi, lors de la 40ème édition du Festival du Nouveau Cinéma, au Québec, Vidéo Femmes a invité
des réalisatrices à créer de très courts métrages à partir de téléphones, qu’elle qualifia d’« intelligents », leur
attribuant ainsi la potentialité de la pensée.
Outre l’obligation de tourner avec un téléphone portable, celle de suivre la thématique « 40 »,
celle de la durée maximum de 2 minutes, la proposition ne concernait que les femmes. Les femmes qui
acceptèrent ce jeu ont prouvé qu’elles avaient délibérément décliné cette obligation, chacune réalisant sa
vidéo selon ses urgences, ses préoccupations, ses manières d’écrire.
Il suffit de citer quelques titres : 40 souvenirs de Martine Frossard égrène nostalgiquement 40 moments,
40 instants furtifs d'un été passé entre la France et le Québec; 40 pas jusqu'à demain de Joële Yoja décrit
en quarante tableaux d'environ trois secondes, une vie ordinaire menée par quelqu'un d'ordinaire. Dans 40
jours d'attente, Pascale Bilodeau filme Claudine qui reçoit un traitement expérimental contre le cancer et doit
attendre 40 jours après le premier traitement pour passer un scanner. 40 fois, je tourne, Virginie Brault pré-
fère le bonheur d’une journée ensoleillée en 40 échantillons impressionnistes. Not to date de Rozenn
Cinéma expérimental, art vidéo, monobandes - Processus 71