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Installations Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 122
Andrea GREGORI, Les Ombres Errantes, installation 3D, 6 : 53 min, Alle.
Andrea Gregori est chercheur en physique théorique et
depuis quelques années, il s’intéresse particulièrement
aux particules élémentaires et à la quantifcation de
la gravité. Cependant, depuis 2000, il s’adonne à la
photographie plasticienne et explore le pouvoir d’abs-
traction du médium et pour des travaux dépassant la
simple photographie référentielle par leur suggestion
de la qualité tactile.
Par ailleurs, dans l’éloignement de la ressemblance,
il opte pour des sujets particuliers, ce qu’il combine
souvent, lors de l’impression, à des techniques particulières sur des supports inaccoutumés pour ce
médium comme le papier japonais, le papier de coton fait main, des assiettes en verre.
Ainsi l’attention est-elle retenue par les structures et les propriétés intrinsèques des matériaux de l’image
imprimée, la relation au sujet original ayant perdu toute importance. Ce concept demeure opératoire
dans son nouveau travail, une série d’abstractions photographiques 3D, dans laquelle les surfaces 2D
originelles sont transformées en mondes 3D inattendus et éblouissants.
Andréa Grégori est aussi un amoureux de la musique, il joue des instruments à clavier : piano, clavecin
et clavicorde. Passion qui l’a conduit à un autre pan de son activité artistique où la musique devient le
fondement de vidéos de séquences synchronisées d’images statiques se superposant, s’interpénétrant
de manière à reféter les structures internes du discours musical.
Même s’il n’y a pas de relation explicite entre son travail scientifque et son travail artistique, son approche
de la photographie s’apparente à la recherche scientifque. Il est question, dans les deux cas, « d’inventer »
une interprétation de la réalité, de trouver un cheminement logique à travers un monde qui, à première
vue, nous apparaît comme chaotique.
Pour « l’homme savant » du XVIII ème siècle, imprégné de culture classique, l’expression « Ombres Errantes »
ne laissait pas de place à d’autres interprétations que celle de la mort et ce, particulièrement en France,
où, depuis la Renaissance, l’Enéide de Virgile était un canon poétique. En effet, la descente au royaume
des morts, lesquels y apparaissent comme des ombres, est un chapitre obligé de tout poème épique,
depuis l’Odyssée.
D’emblée, le titre mais aussi la tonalité en ut mineur de Les Ombres Errantes de Couperin, de 1730,
rendent hommage à ce thème consacré. Les images s’avèrent le commentaire visuel de la musique
alors que la vidéo, débutant sur l’obscurité, attire dans un monde étrange, sans référence spatiale et
dans un silence absolu. Cependant, venant de l’arrière part et de nulle part, une forme s’approche ; s’y
dessine une sorte de triangle semi-transparent. Symbole du surnaturel - mystique ou rationnel - il se
laisse différemment appréhender, alors qu’il ralentit, en fgure d’accompagnement au fur et à mesure
de son rapprochement.
A la fn de la musique, les silhouettes glissent, vont et viennent : quelques-unes esquissent une avancée
avant de s’arrêter, elles-aussi, et de repartir, de disparaître comme des fantômes et d’autres passent,
indifférentes.
La musique est en osmose avec l’atmosphère de cette situation triste : la tonalité et la lumière diffuse
sombres ne retenant que peu ou pas de couleur.
- 5’. Goethe Institut - Decazeville -