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Edito Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 13


traverse vidéo - 19 ème éDition - Du 16 au 31 mars 2016


l’atypique trouble

Voir c’est reconnaître et reconnaître rassure.
Le « comme » reste actif dans les approches et critiques de
l’art. Une telle approche continue à croire en la transparence
de la compréhension et au dépliage total d’une œuvre, d’un
récit.
L’expérimental par défnition s’éloigne de l’obéissance aux
codes et aux formats. Il refuse de suivre le type, l’étalon,
© N. Plaskura le modèle et par là-même, il rue dans les brancards de
l’habitude en faisant preuve des potentialités de l’esprit, de
ses capacités à ne pas se restreindre à l’invention, à la nouveauté pour la nouveauté, complice inversé
du « comme » pour provoquer de l’advention - ce qui advient.
Et puisqu’il se plaît à l’étrangeté, à l’atypique et le pratique, il reçoit encore des soupçons sur sa légitimité.
L’autre effraie, l’atypique trouble.
La formule d’emblée perturbe l’unicité de sa lecture : l’atypique - comme sujet - trouble celui qui le croise /
l’atypique - comme noyau nominal, comme nom - est trouble car il démonte l’attente.
Une telle association sait qu’elle réveille notre mémoire vers le das Unheimliche freudien et sa traduction,
l’inquiétante étrangeté. En effet, un adjectif substantivé, dont le préfxe « Un » exprime la privation, et
l’adjectif heimlich/familier, fondé sur la base heim, partagée par de nombreux termes comme daheim :
à la maison, proche de l’anglais at home ; die Heimat : le pays natal, la terre-mère, etc. Cela devrait se
dire dès lors : le non-familier, « l’étrange familier », l’étrange qui devient précisément inquiétant parce
qu’il surgit au sein du familier.
L’atypique lie, aussi, le si proche et le si lointain, lui aussi inquiète devant ce qui « se rattache aux choses
connues depuis longtemps et de tout temps familières ».
Et il nous plaît de considérer comme un hommage discret à la notion d’atypique, à ce qui fait trouble,
qu’à l’échelle la plus élémentaire du monde des particules, la physique ait choisi comme nom de l’un
des quarks, le terme « d’étrangeté ».
Est en revanche, incontestable que c’est un ferment de la littérature, comme du cinéma et désormais
des séries télévisuelles. Le fantastique recherche l’irruption de l’irrationnel dans le réel, il produit ce
trouble devant l’étrangeté, devant le Horla - autre association inconcevable : le hors et le là ensemble.
L’expérimental met à l’épreuve les points de repère, les limites s’y brouillent. Cependant retenue comme
thématique, la proposition : L’Atypique trouble attendait des propositions en quête de l’étrange sous
l’habituel ; qui débordent le témoignage fût-il plastique ; qui se risquent à « adventer » des mondes. Qui
reconnaissent comme première, cette capacité de l’expérimental à être autre voire bizarre ou simplement
« différent ».

En 2015, comme pour chacune de ses éditions, en prémices, puisque encore et toujours, s’est entendue
cette appréciation de différence, Traverse Vidéo a programmé, des œuvres y répondant, ainsi J’ai un
problème avec France Gall de Boris du Boullay et deux opus de Natalie Plakura, en installation au Goethe
Institut : Intrusion et Faint… dont vient le visuel de cet appel d’œuvre ; il atteste de notre projet.
Simone Dompeyre, directrice artistique de Traverse Vidéo
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