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Des mots... Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 18
au Centre Culturel Bellegarde, mon installation Dance & Drill, oeuvre qui, très particulièrement, requiert
de partir de zéro en considérant la topographie de l’espace de l’exposition: enlever les fauteuils de la
salle, décentrer l’écran, l’incliner et changer ses proportions, de surcroît, lui opposer un second écran ;
enfn, les placer tous deux, de manière « inappropriée », afn de faire que ce matériau cesse d’être un
élément neutre pour devenir un élément structurant dans cet espace.
On invente en dansant, en essayant de nouvelles postures et de nouvelles distributions dans l’espace, et
sans rien considérer comme achevé ; Traverse Vidéo est, par excellence, la rencontre des formes différentes.
Erwan Soumhi ... depuis Paris
Traverse Vidéo a été un moment important pour moi. Un souffe agréable et riche. Une très belle respiration.
J’en suis reparti avec pas mal d’envies, inspiré par tout ce que j’ai pu y découvrir d’oeuvres d’intérêt.
J’ai eu le sentiment d’y trouver une famille d’esprit, de cœur parfois. Comme il est l’un des derniers
véritables festivals d’art expérimental français, il prend une importance toute particulière, car je pense
que c’est un rendez-vous capital pour la survivance de la recherche artistique.
Orchestré par la lumière vive de Simone Dompeyre, assistée d’une équipe investie par l’énergie des
oeuvres qui ont du sens, Traverse se déroule énergiquement à travers expositions, performances et
encore projections dans des lieux parfois fabuleux tels que la Chapelle des Carmélites. Traverse dessine,
ainsi, chaque année, d’une main levée, inspirée, le croquis d’un visage.
Il est l’occasion pour le public de découvrir des propositions pertinentes et de qualité mais il l’est aussi
pour les artistes eux-mêmes de faire un tour d’horizon plutôt complet d’une production contemporaine
et trans-frontalière. Le travail de sélection et d’agencement présente avec brio ce visage d’une certaine
expression actuelle ; comme un instantané photo qui se transforme d’année en année. Et qui d’ailleurs,
se prête très bien à un second niveau de lecture pour les plus affutés.
Comme certains le savent, les pratiques expérimentales sont fragiles et sensibles. Peu assurées parfois.
Ce type de moment permet leur mise en situation et/ou en relation réelle. J’entends, par là, une rencontre
avec un public fdèle, curieux et attentionné.
Il permet aussi la mise en réseau des esprits novateurs qui par l’expérimentation, tente de générer de
nouveaux langages, de nouvelles formes encore libres et incarnant mieux notre réel contemporain.
Car l’expérimental n’est pas simplement la nouveauté, l’original ou l’étrange. L’innovation, le subversif
ou la provocation. L’expérimental a un « back-design » qui s’avère plus profond.
Hier, je me trouvais au théâtre des Métallos à Paris. J’y découvrais L’acte Inconnu de Valère Novarina. A
la fn de la pièce, un des acteurs (Le danseur en catastrophe) exprimait la vision de son propre jeu, son
horizon artistique. Il dit, en conclusion de son intervention, une phrase intéressante : « Je viens mourir
sur scène. Pas mourir pour ne plus me réveiller mais mourir pour me réveiller dans un autre monde ».
Une défnition de l’expérimental ? Une forme je pense.
Une forme « qui » pense pour reprendre les mots de Godard. Car, en quelque sorte, l’expérimental
brûle et renaît sans cesse. Affnant doucement sa maîtrise du feu initial. Confant aussi dans le fait de
renaitre de ses cendres. C’est une sorte de phénix qu’il est à mon sens encore possible d’apercevoir
à Toulouse aujourd’hui. La ville rose le matin, rouge le midi, pourpre le soir.