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Vidéos d’Ecoles d’Art et d’Audiovisuel




Franck BRUDIEUX, Sensations, 8'05, 2011
Le séjour en Europe centrale vécu sous l'influence du cinéaste
hongrois "Bela Tarr", m’a entraîné à penser l'épaisseur du temps
filmique susceptible de transformer la réalité du quotidien...
Cette expérience temporelle et sensorielle, portée par le plan
séquence, plonge dans la matière filmique.
Cependant, le grain n'est plus celui de l'argentique de la caméra
mais un effet de prise de vue par le téléphone portable !
Ce paysage - de l’intime - visuel et sonore de l’appareil est par ailleurs modifié par des ralentis de 120
images/seconde, provoquant une perception d’étrange - "astrale" - d’un pourtant anodin partage de la
galette des rois en famille.
S’y glisse une mignonne enfant, portée dans les bras et - trop - cajolée par sa mère, qui darde un regard
indiciel de ce trop subi, et dès lors anxiogène tant il quitte le ton attendu.
Franck Brudieux




Si ce film, né dans le cadre d'un exercice cinématographique, se pensa pour une programma-
tion d'un festival caméras-mobiles, il dépasse de loin ce projet. En effet, Franck Brudieux, étudiant de
l'ESAV à Toulouse, y transmute, pourtant dans un lieu du quotidien, le mouvement d'une fusion mère-fille
dévastatrice. Les 120 images/seconde captées par un téléphone LG troublent le rythme, étendu sur 8mn.
Silencieux, Sensations débute sur une échographie d'enfant, avant d’intégrer un amour maternel dévorant,
mais loin de se cantonner au film de famille canonique, le film provoque perturbations multiples tant
visuelles que sonores, et psychologiques.
Les plans rapprochés et obscurs réduisent le salon familial, dans lequel s’impose la démonstra-
tion excessive d'amour par des câlins et des embrassades trop appuyés, d’une mère pour son enfant très
jeune, ce qui en restreint plus encore l'espace. Simultanément, cette étroite tentative de dépendance se
lit comme la métonymie de la relation fœtale, ce que, dès l'incipit, le pacte de lecture insuffle par l'écoute
comme étouffée. Sensations produit un son anxiogène omniprésent, en contraste avec les manifestations
de plaisir de la mère. Des portes grincent, le vent souffle, associé à des sons de même teneur renversent
la première localisation familière. Le bonheur d'un sourire est balayé par l'angoisse pesante, alors que le
naturel de l'expression sombre dans l’outrance.
La figure maternelle en subit des dommages. Soignée et exhibant son rouge à lèvres, cette mère
en quête d'amour devient une femme séductrice de son enfant ; elle ne peut cacher le désir d'être un
modèle de beauté. En écho, elle recherche le même, chez l’enfant, l'habillant de rose, la coiffant de belles
boucles blondes, elle se doit d’obéir aux canons de la jolie petite fille, comme à être, surtout, reflet de la
propre coquetterie de sa mère.
En pure perte, puisqu’un plan statique rapproché de l'enfant grandie dans le même salon, l’affiche selon
le syntagme « garçon manqué » ; cheveux courts non coiffés, visage dur, elle tend son refus de la fémini-
té, en lançant un regard dur dans un effet hors cadre qui atteint celui qui l'a observée dans la tentative
maternelle de dépossession. Elle y repousse le modèle et l'amour-plaisir vécu comme nocif pour son
propre épanouissement, jusqu’à découper le visage de la mère dans les photographies de ce passé.
Sensations dérange parce qu'il pénètre l'intime, il réduit des perspectives jusqu'aux sens,
n'offrant aucune échappatoire et suggère la portée nuisible de certaines manifestations d'une mère à son
enfant.
Loreleï Adam, étudiante en montage BTS audiovisuel Lycée des Arènes





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