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Vidéos d’Ici et d’Ailleurs




Sous le terme générique de Minispectacles, les vidéos de Maarit Suomi-Väänänen adoptent
la concision des haïkus : leur brièveté, une minute, se fait écho à la limitation de la forme originelle
japonaise en un tercet, structurellement très codé : 5/7/5. Quant au souffle poétique inhérent au genre, il
l’est aussi de tels lieux à la réputation de beauté ; touché/koskee invite au plan d’eau, douche/korpee
découvre une colline pierreuse. Le mot-valise Minispectacles n’y est pas contradictoire, puisque le préfixe
loin d’être réducteur marque cette option de forme courte pour le spectacle chargé de provoquer des sen-
sations, des réactions – de plaisir ? - quant à la minuscule du titre, elle revient à un paysage connu, calme.
La pièce jouée répond à la prolixité de l’étymon de spectacle, ce qui est à voir, qui a produit aussi spectre,
aspect, circonspect, inspecter, introspection, perspective, prospecter, respect, rétrospective, suspect...
sans négliger la piste grecque ; le scop de cinémascope, horoscope, magnétoscope, microscope, radio-
scopie, sceptique… vient de skopein, « observer » et de skep - skeptesthai, « considérer ». Ainsi le
paysage embrassé par le plan fixe répond-il à l’idée d’harmonie tout en obligeant à fixer le sujet à voir…et
plus précisément à entendre-voir.

touché / koskee, 1’, 2010, bruit de l’eau, cascade calmée d’un barrage,
réverbération du son de la nature. Au synthétiseur, la musique de Pirkko
Tiitinen, joue la carte de l’harmonium, effet de basse répétitive, sans brus-
quer l’oreille, elle adoucit ce qui se découvre : une bouteille de plastique
coincée, l’eau belle coule bleue, le mouvement interne opère une espèce
de montée pour rejoindre un autre point du barrage où s’accumulent
autant de cadavres sautillant, aux boutons de couleurs différentes.
Le plan passe d’une bouteille à l’autre, avant – les effacer est-il possible- de monter encore jusqu’à
l’image en plongée du cours d’eau sous l’ombre qui occulte cette pollution.
La Finlande exporte l’image DU pays Vert au sens d’écologiste ; en 2010, une « autoroute verte » y est
projetée, dont les stations services délivreraient électricité et biocarburants produits dans leur propre
contrée ; son engagement politique dans les dossiers environnementaux renouvelle cette réputation et le
premier tour des Elections dernières aurait pu faire croire à sa montée au pouvoir mais, mais son taux de
génération de déchets non-minéraux par habitant est le plus élevé d’Europe et elle est rappelée à l’ordre
par la Commission européenne pour ses manquements aux directives de sauvegarde de la nature, pour
preuve, elle n’a pas respecté celles relatives à la pollution causée par les navires.
Est-ce cela qui provoque de tels gestes cinématiques : invitation d’images d’eau et le soin de connotations
heureuses et naturelles… pour y subir l’épave de plastique.
Une bouteille comme un saumon
Le barrage la stoppe
Tant d’épaves coincées.

douche / korpee, 1’, 2010
un son, explosion sur le rien d’un lieu-friche, avec quelques preuves
de son occupation passée… le bruitage d’une voiture touchée, une
fumée monte en nuage blanc et beau, elle se dissipe, dans le bruit de
la machine des travaux absente. La douche est celle du bruit qui
renverse le paysage en une explosion tonitruante.
La scène sonore constitue une destruction, emblématisée par ce
nuage de fumée ascendante, des débris métalliques y sont lancés-tombés et le camion / en son s’éloigne
vers l’orage. Un son, explosion sur le rien. Bruitage d’une voiture touchée. La fumée se dissipe dans un
bruit de machine. La vidéo perturbe la possibilité d’un regard unanime : le lieu calme le demeure alors qu’il
est bousculé. Pourtant le désir de la beauté survit à la boutade avertissant des erreurs humaines qui
polluent la nature.
Simone Dompeyre


14 Cinéma expérimental, art vidéo, monobandes - Faut Voir
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