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Vidéos d’Ici et d’Ailleurs

                                 Clara CHICHIN, And now I'm saying “worst and worst” as he said.
                                 Rien. Ne s'assagit., 7', 2012, France
                                 Toutes ces personnes de dos face à un mur un buisson un paysage rien –
                                 perspective bouchée – et la dernière danse et puis des paysages et puis
                                 des animaux morts. Est-ce ainsi que je trame mon deuil ? Rien, de front, sur
                                 mon père, à mon père.
                                 Rien. Ne s’assagit. Ce montage mêle à la bande son des photographies
retrouvées. En effet, un an après la mort de mon père, alors que je triais des photographies, je réalisai les
organisant qu’elles étaient une manière indirecte - entre les lignes - de parler de la mort et de mon
expérience du deuil. C’est pourquoi je considère cette vidéo comme une lettre posthume.

          “ En juillet 1981, Alix Cléo Roubaud écrivait “sur la pellicule les images se suivent sans se
toucher. C’est la barre qui les sépare que nous regardons ici, tâchant de mettre cet invisible au centre de
notre propos, de faire de la limite d’une image son sujet.”. Il s’agit bien dans l’œuvre de Clara Chichin, en
particulier dans ce travail de faire de la limite de l’image son sujet. Les pratiques photographiques de Clara
Chichin sont complexes, la mise en scène vidéo de ses photographies, ses livres d’artistes qui conjuguent
ses textes et ses photographies et leur donnent une lecture “à plat”, enfin ses sténopés. Les lectures de
ses différents supports, liées à sa pratique photographique vivent leur propre histoire, mais l’une enrichit
l’autre, comme le dessin ou la gravure peut le faire de l’œuvre du peintre. Si le travail photographique de
Clara Chichin reste avant tout une œuvre plastique ce qui me touche le plus dans ses images, c’est leur
humanité, l’intimité et la distance.

                                                         Patrick Devreux -artiste / professeur à l’ENSBA Paris

Sylvie DENET, Une Histoire, 5'20, 2008, France

L’animation est perméable aux caprices narratifs, plus encore quand elle

s’allie au crayonné. La flexibilité fonde sa propre logique ainsi, que le trait

reste bleu quels que soient les éléments, ne perturbe en aucun cas sa

poursuite de tracé… La poursuite s’impose comme sa définition et on

pourrait croire sa raison d’être ; jusqu’aux thématiques en empruntant aux

films de fiction, quand il faut rattraper quelque fugitif, aux émissions de

sports quand il faut prouver des prouesses corporelles… ou simplement aux films “à train” avec tant de

possibilités narratives. Une Histoire refuse ce cantonnement.

La vidéo poursuit la possibilité d’histoire qu’elle n’a aucunement l’intention d’arrêter, au sens de

choisir une intrigue, car cela équivaudrait à achever au sens, aussi, de tuer… Une stridence refusant

d’inscrire dans le reconnaissable, avertit comme un signal du début possible avant même le claquement

d’une toute petite porte d’où paraît un homme avec toutes les susceptibilités de grandir et de se mouvoir,

ce que le dessin lui accorde. De même qu’il lui fait produire un clone issu de sa bouche, voire plusieurs,

ou dupliquer son visage en trois. Le gros plan ne reconnaît pas davantage de signes particuliers, identifi-

cateurs d’homme ou de monstre ; le corps obéit à la moyenne mais il se dirige décidément d’un côté,

avant, sans motivation explicite, de prendre la direction inverse. Il court, enjambe des obstacles invisibles,

monte des murs invisibles, escalade une échelle invisible comme il tape sur un punchingball invisible, la

seule occurrence qui s’accompagne du halètement de l’effort, et de la pause avant que l’espace prime.

Le dessin ressemble à... mais il refuse d’autre crédibilité que sa malléabilité qui peut se canton-

ner à des rectangles jetés dans l’espace vide du champ ou se transformer en signalisation routière, puis

en véhicules terrestres - voitures ou trains empruntant le tunnel - ou aériens s’écrasant. L’espace n’est pas

davantage que le temps, assujetti à une logique du quotidien et peut devenir eau : la piscine accueillant

une sirène peut s’avérer mer poissonneuse. En effet, pourquoi interdire à l’histoire de se former par elle-

même sans autre désir/plaisir que son déroulé.                 DS

Cinéma expérimental, art vidéo, monobandes - Histoire(s)                                                        23
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