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Vidéos d’Ici et d’Ailleurs

        Albert MERINO, Les Baigneurs, 3'50, 2010, Espagne

        Parallèlement à son jeu de La Fête de l’art contemporain, Albert Mérino

        ferait une excursion vers la scène de genre XIXème siècle, celle de plaisirs

        champêtres, des déjeuners sur l’herbe, celle du bonheur du gustatif sous

        les lumières déclinées… et avec le plaisir de brouiller les pistes, il en

        changerait le titre pour celui des Baigneurs d’un autre peintre, dont les corps

        peints structurent l’espace décisivement, et qui était davantage porté par le

projet de changer la peinture plus que par celui de répondre aux topoï des genres.

Albert Merino en respectant le propos annoncé tout en le détournant, y saupoudre le souvenir de Gulliver,

qui, à la suite du naufrage du navire qui l’emmenait à Bristol, échoue sur l’Ile de Lilliput dont les habitants

ne dépassent pas 15 cm de haut mais dont diverses manières de vivre ressemblent à celles de son

Angleterre contemporaine… celle de Swift, son créateur au début du XVIIIème siècle. Cependant les

Baigneurs sont nos contemporains.

En effet, alors que se reconnaissent les rigoles le long des trottoirs, leurs jets de nettoyage, des tuyaux et

des bouches d’égouts, ces lieux deviennent espace de vacances, plage de nombreux estivants en maillots

de bains des plus actuels mais résolument minuscules, eu égard à cet environnement parisien alors que

tout ce dont ils se servent est à leur taille. Ces vacanciers y pratiquent les jeux et farnientes communs, en

famille, en groupe, en couple et pour certains nagent jusqu’à leur yacht amarré peu loin. Ils font ce que

nous faisons sur les plages et à la mer.

En variante, une enfant fait de l’équilibre sur un cylindre - mégot de cigarette - amorçant le passage à la

pollution par les pétroliers. Puisque derrière les scènes heureuses, le désastre planétaire est attesté.

La scène de genre devient apologue, Les Baigneurs entraîne(nt) à reconnaître ce que fait l’humain de son

monde.                                                                                                    D.S

                                 Maria Victoria PORTELLES, El Tercer Lugar, 8'48, 2011, Cuba
                                 J’ai combiné l’enregistrement sonore de la description d’un lieu qu’un ami a
                                 faite pour moi et quelques images vidéo que j’avais auparavant tournées
                                 moi-même, lesquelles évoquaient dans mon esprit le lieu qu’il m’avait décrit,
                                 bien qu’il ne s’agît pas du même endroit.
                                 Un troisième lieu s’y ajoute, se laissant entendre subtilement derrière la
                                 description : le lieu où il a partagé son souvenir avec moi, celui où l’on se
trouvait : le troisième lieu du titre.
Cette vidéo répond très fortement à mes préoccupations ; dans mon travail artistique, je m’intéresse à la
relation subjective que l’on établit avec les lieux et à la façon dont ces relations sont transcrites par les
systèmes de représentation : à travers des images, des sons et, comme en l’occurrence, à travers la
parole.
La description n’est pas déliée de l’aspect narratif. La personne qui décrit, raconte en même temps des
évènements vécus dans le passé. La dimension temporelle est donc fondamentale de sorte qu’à chaque
espace temporel correspond un lieu précis. La description, exercice de mémoire, déclenche chez
l’interlocuteur (moi) le souvenir d’un autre lieu, d’autres expériences, représentées par les images vidéo.
Le temps présent est le lieu de partage, perceptible uniquement par quelques bruits ambiants au fond de
la description. C’est celui-là le tiers lieu, el tercer lugar.

        Cinéma expérimental, art vidéo, monobandes - Histoire(s)                                                 25
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