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Anne -Cécile PAREDES

mère et fille, par leur proximité et malgré la différence entre la chevelure très brune et les vêtements sim-
ples d’été pour l’adulte et la blondeur et les chaussettes blanches et la jupe plus longue d’un uniforme pour
l’enfant. Face à elles, un homme souriant, en chemise bleue, lui sans uniforme, serait dans ce jeu de rôle
étrange celui qui ouvre ou pas les portes vers l’avion, vers le départ. Un adolescent tient les passeports
comme il le ferait d’un jeu de cartes alors qu’il appelle du regard la fillette qui le lui rend. Pas d’inquiétude,
pas non plus de sérénité, un moment inouï, l’arrêt. Il y a à trouver ; s’arrêter est imposé par cette image et
écouter.

Ecouter, car Anne-Cécile Paredes déborde non seulement la scène de genre mais aussi le
médium photographique puisque du « son » s’accroche à chacune des photographies de cette série.
Des écouteurs font le discours - une voix féminine, en « je », dit ce qu’ont vécu des femmes du Pérou ;
cependant le patronyme de l’artiste est prononcé, ainsi que d’autres prénoms.

L’œuvre mixte le témoignage à son désir de faire histoire. Paradoxalement liée à l’image arrêtée,
l’Histoire prononcée sort plus intense d’une telle appropriation, elle prend chair. S’y entend de quoi saisir
comment d’ éléments biographiques empruntés à d’autres, on fait architecture de sa propre vie.

Simone Dompeyre

* le titre emprunte cette phrase à A.-C. Paredes.

Ce que dit l’artiste de l’origine de l’œuvre
« Les générations se croisent, se passent la main. J’ai quitté le Pérou pour la France le 7 décembre
1983, il y a 29 ans. J’ai remis le pied à terre à Lima le 7 décembre 2012. La guerre était achevée depuis
12 ans. 69 280 victimes.
C’était hier. Je ne me le rappelle pas. Le reste m'a été raconté.
Le Partage des silences est un parcours visuel et sonore, une conversation entre photographies, images
en mouvement et récit. Passe-muraille entre l'empreinte d’une mémoire transmise et la ligne vivante que
trace le devenir de chaque individu, il invente un espace commun entre des époques et des géographies
composites, entre les années 1980 et aujourd’hui, entre la France et le Pérou.
Entre la guerre et la renaissance d’un pays tout juste en cicatrice, l’enfant « asilé », immigré en France,
reconstruit les signes d’histoires transmises, bavardées, oubliées. A partir d’une rencontre avec trois fem-
mes ayant participé à des degrés divers au conflit péruvien, Le Partage des silences déforme et boulever-
se l’anecdote pour créer son interprétation, sa réappropriation entre ce qui s’est dit et ce qui s’est enten-
du. Fissure à la fois proche et lointaine, entre l’invisible et le visible, entre l’indicible et le dire. Le Partage
des silences est le geste de cette transformation fragile, un mouvement adressé à ce qui nous est donné
à vivre, enfin. »

Photographies - Processus