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                                Laurie JOLY

                                                          Prép’Art

                                                            Composings II

                            Le revers de la photographie comme l’on dirait le revers d’un mouvement, d’un geste.

                         Les images photographiques de Composings II rapportent cette pratique à sa source ; le plus
                 souvent, on se satisfait des images, en flattant leur ressemblance, leur réalisme, en négligeant simul-
                 tanément qu’elles sont écrites par la lumière ; inversement, ces images-ci, nées de la lumière réfrac-
                 tée de ces corps passant, et de la patience de celle qui espère que les traces de passages créent,
                 reconnaissent cette nature du médium.

                         Dès le seuil de son titre, la série impose qu’elle cherche, qu’elle pousse des potentialités en se
                 désignant comme Composings, préférant la forme en -ing de l’anglais, qui exprime le « en train de »,
                 le processus même en-deçà de l’objet créé. Quant au II, il implique la ténacité de la photographe qui

                                                                                           veut aller plus loin dans sa recherche
                                                                                           qui ne se pense être que parce qu’el-
                                                                                           le peut encore produire de l’in-vu,
                                                                                           réanimer au sens fort le regard.
                                                                                           En effet, ses images provoquent des
                                                                                           allées et venues au-delà du plan,
                                                                                           parce que le champ n’est plus surface
                                                                                           unique. Certes la photographie a
                                                                                           d’emblée entraîné l’illusion des trois
                                                                                           dimensions. Le toit de Saint Loup de
                                                                                           Varennes qui réclama plus d’un jour de
                                                                                           prise de vue à Niépce - deux ombres
                                                                                           superposées impliquent deux passa-
                                                                                           ges du soleil- comme sa Table servie,
                                                                                           nature morte photographique de 1823,
                 imitent le volume de leurs référents ; or, alors qu’elle compose un espace purement photographique, Laurie
                 Joly éloigne les strates de Composings de tout mimétisme en débordant l’unicité de l’espace.
                 L’exposition dans ce lieu improbable de Prép’art - Ecole d’Art dans une friche industrielle, le premier empla-
                 cement du journal La Dépêche - organise son mode de lecture. On ne peut appréhender les images tout
                 d’abord que de loin, elles se
                 réclament.
                            De loin, dès lors, se
                 saisit le graphisme noir appa-
                 renté à de grandes lettres d’un
                 alphabet inconnu avec des
                 variantes de gris comme le
                 pourrait un tracé manuscrit, là
                 un immense H sans sa barre
                 horizontale, là un O étrange-
                 ment carré… et puisque voir
                 c’est reconnaître, on s’oriente-
                 rait vers des paysages d’arbres
                 au loin, de contours paysages
                 neigeux mais sans s’en satisfai-
                 re tant la façon même de ces
                 images est l’attirance, l’aimantation. Ces images induisent que l’on s’en approche, dès lors ce sont des
                 corps, en mouvement, captés en plongée, axe de vue en légère diagonale, qui s’y révèlent.

           158 Photographies - Processus
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