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                              Suzan VACHON

                 finalité que leur icone dans cette composition. La fixité exhibe la frange entre le montré et le caché, cet
                 interstice de la perte toujours déjà consommée, ce face à quoi on fait comme si tout était à demeure et
                 arrêté.

                        Ce flottement va de pair avec le refus de fermeté d’un contrecollé ou autre support dur ; simplement
                 (non) tenues par de simples aiguilles, volant presque, ondulant, les œuvres se lisaient à la galerie Concha
                 de Nazelle, comme un kakemono. Placées à la verticale ou rassemblées, elles prolongeaient la phrase à
                 construire poétiquement à l’horizontale. La position n’était pas dans une symétrie tranquille.

                              Ainsi l’ouvrage était-il tendu au spectateur poussé à prendre conscience de son rôle subjectif
                 dans le processus de signification. Pris dans la spatialité de la pièce mais aussi dans celle du temps de la
                 prise première de ces images, elles-mêmes transfigurées par le temps de l’expressivité artistique, il y béné-
                 ficie de son temps propre réel.

                           Ces œuvres débordent encore le temps arrêté puisque se conjuguant avec du texte qui réclame
                 une autre approche ; au regard d’un bloc, avant attouchement visuel des éléments de l’icone, s’adjoint le
                 déplacement pour approcher la lettre. S’approcher de l’ensemble, se pencher pour la lettre. Deux registres
                 du regard en un processus dialectique. Ainsi se pose la question de la sorte d’image et de sa nomination.

                           Le nom d’image est débordé ; cela risque de perturber à qui ne ferait qu’effleurer le travail de
                 Suzan Vachon qui, en effet, emprunte aux images des passés, des êtres du passé, connus ou
                 inconnus. Imago eut en première mission de garder l’effigie du défunt, puisque statue souvent funéraire,
                 elle répondait au culte familial des lares, mânes ou autres pénates institués dans les maisons romaines…
                 mais ce « Im », de l’imago que l’on apparente à mimesis, art de l’acteur avec le lot de jeu, de faux,
                 d’apparent, d’imitateur occulte souvent la possibilité d’y lire une force d’expression, une provocation
                 d’émotion intérieure, indicible.

                           La désignation comme icone restreindrait la recherche de cette œuvre ; l’icone comme l’image de,
                 est icone de… Elle réclame une ressemblance avec son référent ; on lui reconnaît cette proximité. Suzan
                 sait que ce sont usages sociaux et pelure d’illusion et elle les déroute.

                           Risquer de proposer de les dire ses phainomena, ses phantasmata : puisqu’elles passent/restent
                 phénomènes, au sens de ce qui advient dans la possible perte, dans le désir de son revenir. Et en ôtant
                 les connotations de maladie ou d’obsession, Ph(f)antasmes puisqu’elles s’achèvent en une élaboration
                 imaginaire, consciente ou inconsciente, à l’écoute du désir, dont on espère qu’il adoucit les angoisses. Il
                 s’y saisit, par ailleurs, le dépassement du vécu puisque s’y atteint la précipitation d’un corps impondérable.

                                                                                             Simone Dompeyre

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