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                              Suzan VACHON

                                             A la Galerie Concha de Nazelle
                                                           Séquence suaire

                               Les démarches exploréennes de Suzan Vachon

          Les éléments paradigmatiques de la recherche de Suzan dessinent en creux un Autoportrait,
tant ils signalent son indistincte recherche du beau et de la pensée, tant ils quêtent le geste formel de la
littérature et de l’iconique ; tant ils défient la fixité en s’y développant.

          Suzan pense en artiste, elle crée en penseure.
          Et elle nous entraîne dans ses chemins qu’elle balise très personnellement pour appréhender
ses icones. Le corpus adopte pour chacune de ses œuvres une grande dimension ou l’atteint en formant
une figure rectangulaire avec la série des 25 images de Séquence Suaire qui partage le mur avecQuand
sort la lune/Cuando sale la luna ; elles répondent aux mêmes préoccupations de reformulation y compris
plastique, d’archives de divers médiums filmiques, vidéographiques ou photographiques. Avec le bonheur
de la langue jamais très loin… Du texte s’inclut, le graphe participe à la composition, du fragment poétique
s’insère dans le montage arrêté sinon fixe puisque l’organisation des composants empêche que l’on voit
et oblige à regarder.
          Poésie sans limites des langues, ni territoires, ce qui a guidé la quête de Suzan, c’est la force
de la parole : ainsi Claude Gauvreau, Federico Garcia Lorca et Marina Tsvetaieva se logent en ce pays de
l’œuvre.
Suzan n’a pas retenu ces poètes par nonchalance, leurs œuvres susurrent ou hurlent ses propres
préoccupations : du sens à creuser dans l’écorce des œuvres, de l’amour acharné à ce que l’on dési-
re, de la variation des manières de le dire, de la nécessité du memento, de l’archive.
          Du premier, son compatriote, Guillaume Martel LaSalle a martelé que «la mort de Gauvreau, dans
son obscénité incomparable, écrit le drame et la nécessité de l’extase artistique pour chacun de nous».
Pour éclairer l’attirance de Suzan Vachon, je ne peux que suggérer un fragment de La Charge de l'orignal
épormyable, pièce de théâtre, celui où le protagoniste Mycroft Mixeudeim pourrait répondre à ses directi-
ves : « Elle a été un songe fait corps. Comprenez-vous : l'idéal extravagant le plus improbable qui se pré-
sente devant soi, qui vient vers soi, qui est là, qui est à soi. Les rêveries les plus folles, les aspirations les
plus insensées, qui prennent vie, qui se vivent le plus incroyablement. »
          De Federico Garcia Lorca, dont chacun sait l’assassinat par le franquisme en 1936, ce sont
des vers de La lune de l’azur / La luna del azul à glaner en écho à la musicalité de son implication
dans l’œuvre :
« No se ve en las ferias / Elle ne se laisse pas voir à la fête.
Se vela suspirando/ Elle se voile, elle soupire :
Me duelen los ojos/ « J’ai mal aux yeux ! »
          Quant à Marina Tsvetaieva qui se pendit de l’impossibilité qu’elle vécut et qu’elle écrivit, de faire
coïncider son désir de l’infini à la vie réelle, elle porte le cri contre l’inadéquation entre le règne de la

Photographies - Processus                                                                                           165
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