Page 113 - catalogue_2016
P. 113


Installations Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 113


Cyril GALMICHE, 149 Boulevard Davout-Paris, 7 : 07 min ; La Place des Iris, Fr.
149 Boulevard Davout-Paris comme La Place des Iris gardent
la simplicité des noms d’adresse ; ces titres amorceraient
des histoires d’habitants, des débuts de fction alors qu’ils
sont l’identité de lieux, qu’ils fonctionnent en toponymes.
Loin de répondre au cliché de lieu idyllique ou au rappel
patrimonial de bâtiments classés, ce paysage urbain pho-
tographique est celui des grands ensembles, des places
géométriques sans supplément d’humanité.
Le point de vue n’en est pas, pour autant, critique puisqu’ils
deviennent les lieux de l’expérience du temps qui conduit
Cyril Galmiche.
Son désir de capter le temps qui passe, de dépasser cette
morsure constante, pense la lumière. L’angle et l’axe de
ses images, en une focalisation photographique ou vidé-
ographique d’un jour entier, respectent un point de vue
unique.
Le temps n’est pas perçu sans espace et l’espace le plus
immobile change selon le passage du temps y compris
les minutes quotidiennes.
Sans renier les grands ancêtres comme Monet et ses variations
de la cathédrale de Rouen dont il peignit une trentaine de variations selon les appartements qu’il louait
et dix-huit quasiment selon le même angle de vue, l’artiste contemporain est lui-même, travaillé par la
question de la lumière.
Monet posait ses touches, sa couleur sans contours précis puisque au-delà du monument, il traquait
la nuance de la lumière et les transformations d’une telle architecture selon les moments ; à tel point
qu’il pouvait travailler plusieurs tableaux à la fois en suivant les horaires du jour. Il compose une litanie
de Cathédrale de Rouen en gris et rose / au soleil / soleil couchant / à midi / effet de matin / brouillard
matinal / harmonie bleue / harmonie bleue et or / harmonie blanche… Le monument s’y dilue en vibrations
dans l’incertitude visuelle de sa structure stable comme La Gare St Lazare où se fraient les énergies
contraires de la machine, des verrières et de la vapeur diluant ses contours.
La temporalité y devient vibration.
La vidéo de Cyril Galmiche est plus respectueuse de l’architecture, les immeubles et les barres, la place
vide, les passages bornés imposent leur géométrie ; leur visibilité ne s’effarouche pas sous la déclinai-
son colorée. En une légère plongée oblique, il enserre l’espace urbain. Il n’en traque pas les nuances
d’une heure particulière jour après jour mais compresse en 7minutes et 8 secondes les 24h réelles, du
12 mars 2014 au 149 boulevard Davout à Paris. Cette durée est, outre le point de vue unique, le critère
de la série Une Journée. Celle-ci parce que vouée à la boucle, dépasse tout projet de mainmise sur le
temps, elle secoue l’idée de la monotonie de tels ensembles ; elle éveille le sentiment de la force de la
lumière, de sa capacité à changer notre approche du monde. Chemin faisant, c’est le lieu du monde qui
est reconnu comme habitable et ce paradoxalement, parce que de l’homme, on ne voit que les artefacts
et les lumières des appartements vibrantes.
La composition structurée des lignes de force des constructions n’est jamais identique ; colorée de
l’orangé diurne ou ponctuée de jaune des lumières nocturnes, elle s’irise au ciel voire s’y délite alors que,
- 3. Chapelle des Carmélites -
   108   109   110   111   112   113   114   115   116   117   118