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Photographies Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 97


Marjolaine GRENIER, La Grave, Tlse.
Marjolaine Grenier prouve une maturité du point de
vue, sans nulle perte de sensibilité à l’égard des strates
mémorielles d’un lieu plus qu’emblématique à Toulouse :
l’hôpital de La Grave ; Hôpital mentionné dès 1197,
dans une charte de Raymond IV. Et baptisé selon sa
localisation, la grève qui longe la Garonne. En 1647, il
fut le lieu de « grand renfermement » des mendiants,
prostituées et aliénés avant d’être celui de la naissance
en maternité puis hôpital plus généraliste…
Désormais fermé au public depuis quatre ans - hormis
de rares services - classé Monument Historique en
1978, il ne resterait que son clocher comme image
de carte postale, si certains n’avaient la persévé-
rance d’obtenir d’en capter l’état des lieux pour son
étrange atmosphère, alors que son futur - en lieu de
l’art, avait-il été décidé - fotte encore.
Marjolaine a entrepris cette quête, début 2015. Attirée
par la polyvalence du lieu, abandonné avec encore
des services particuliers, attirée parce que, malgré sa situation au centre d’un quartier animé, avec
encore des bruits urbains et médicaux qui n’y effraient plus le silence, parce qu’en décombres dans
des recoins, parce qu’abîmés, des espaces sont encore dédiés au médical.
Elle s’est attachée aux changements de luminosité transformateurs des lieux, reprenant la même composition
architecturée en de vigoureuses lignes de force, amoureuse de la perspective pour autant qu’elle est
perturbée par la mi-lumière. Le couloir perd de sa fonction de conduite, la tache colorée en son point
de fuite accroche et perturbe le cheminement… elle traque le transitoire en captant le tas de gravats,
le plafond de bois et autant d’espaces qui n’offrent plus de garantie de séjour…
Le format oblige au rapprochement, les images proches induisent le seul passage désormais possible :
le photographique. Cependant, le paradoxe se poursuit puisque l’option d’exposition a entraîné le
collage à même le mur, ce qui implique la perte de l’image alors que ce que Marjolaine vise est de relever
la trace de cet espace. Simone D.
Elle explicite son projet :
J’ai voulu travailler ce lieu à la suite d’un constat de bâtiment institutionnel « semi-abandonné » puisque
La Grave est un service ambulatoire ; il règne dans cet ancien lieu de passage désormais en transition,
une violence latente. Par ces photographies j’aimerais transmettre ce que cet endroit ni ruine ni véritable
hôpital a de paradoxal. Et puisqu’aujourd’hui, les combles ne sont plus accessibles, j’aimerais découvrir
- à la façon de l’exploration urbaine - un lieu inaccessible qui mérite qu’on en révèle l’empreinte ».
En outre, le lieu même de cette exposition surenchérit un tel désir puisque jadis espace de chargement
d’une entreprise, désormais devenu celui de formation en arts, il garde son odeur du passé, ses
briques, ses murs bruts et sa lumière tamisée sous de grandes et si hautes verrières. S’est imposée la
poursuite de cette exploration, en photographiant ce lieu de l’exposition, lui aussi géométriquement
et humainement riche de concert.
Deux nouvelles photographies s’échappant du format et collées sur support peuvent, désormais, être
révélateurs - pour garder le mot de la révélation argentique - et du lieu et de ce qui meut Marjolaine.
- 3’. Prép’art et Decazeville -
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