Page 67 - catalogue 2017
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6. Les Abattoirs Projections



Felix FATTAL, Dialogues cosmiques, 4min (CJC, Fr.)

Le fondement binaire s’assume comme fondement de cette
discussion - dispute amoureuse puisque 0 et 1 sont les
protagonistes. Même si lui / 0 nomme 1 / Juliette et celui avec
lequel elle l’a trompé, quand il lui reproche à la fois ses massages
à Geofrey et les regards noirs qu’elle lui a dardés. L’espace
refuse une localisation du vécu puisque c’est la mer toujours
recommencée qui recouvre l’espace de cet échange vif. La sonorité
de même n’adopte pas le quotidien en mixant remous et musique
aiguë en un tempo marqué et répétitif ainsi qu’une grande vague.
Plus encore, sous les fots, le corps assis sur un cube blanc n’est
pas vivant : féminin, il obéit cependant aux canons de la beauté à
poitrine dressée, jambes fnes et longues mais les changements d’axe découvrent son crâne ouvert et vide, ses yeux
vides. Que penser de ce futur où la beauté parfaite bleu Klein profond de la vague ne scande que des récriminations
primaires et jalouses et où la tromperie entre deux est de mise…
D.S

FLATFORM, Domenica 6 aprile ore 11:42, 6min12 (Ital.)

Centrée sur le paysage compris comme un réseau complexe de
connexions qui guident les relations entre les hommes, la vidéo
se concentre sur les relations entre les actions et les lieux, les
mouvements et l’environnement. En efet, elle explicite que
les personnes sont le lieu dans lequel elles vivent, ainsi que les
trajectoires que le lieu lui-même crée.
La précision type procès verbal induit l’attente d’événements.
Evénements qui n’ont pas lieu, mais pas davantage lieu d’être. La
vidéo impose un temps de la non brutalité, de la connaissance du
lieu et ce, en titillant la pensée. En efet, au-delà du lieu vallonné,
du hic et nunc toscan, s’énoncent de petites actions quotidiennes
alors que cette heure notée à la seconde inscrit un lieu de la parole, vive, performative et réfexive.
Un dimanche à la campagne alors que le facteur fait sa tournée - ce qui devrait ouvrir la vigilance sur la véracité de
la parole dite. Une voix féminine, très loin de « lui » mais à l’acuité toute expresse, le désigne comme tel sur la route
avant sa rencontre avec le garçon à la bicyclette auquel il confe le courrier adressé à sa famille et avant de continuer
sa distribution. Le garçon à la bicyclette, les trois garçons joueurs, les deux pousseurs de la voiture en panne qui leur
échappe sur la pente avant de stopper… autant de faits même pas divers, ceux du quotidien de ces vallonnements
verts, aux courbes parfois redessinées par les routes dites de campagne parce qu’étroites ou par les clôtures
organisatrices d’un schéma sur ces terres. Ces activités multiples eu égard au petit nombre de l’habitat, pourtant,
donnent prise à la narration ; elles transforment le calme bucolique en champ d’activité(s). La terre est le lieu des
hommes, ces êtres-là microscopiques, enveloppés vidéographiquement d’une aura blanche qui les discerne, les
détache sur la route poudreuse ou le vert de l’herbe.

Ainsi se réveille le palimpseste : cette terre-là a été l’espace allégorique que Lorenzetti a peint sur les murs du Palais
des Seigneurs de la République à Sienne, y dotant d’un phylactère d’éloge à la cité, un esprit féminin ailé seulement
entre-vêtu d’un drapé mémoriel des victoires antiques. « Que chacun avance et sème et laboure sans peur tant que
la commune sera honnête, sous le commandement de cette dame - sécurité - car elle empêche que les méchants
aient le pouvoir / Sença paura ognuom frmco camini elavorando semini ciascuno. Mentre che tal… »
Le dimanche vidéographique arpente ces lieux, des fermes s’y inscrivent. La plongée du plan général épouse une
aussi vaste typographie que la peinture pariétale mais elle exclut tout appel à la crainte par antiphrase, ou toute
potentialité d’existence de méchants. Les hommes sont là, sur cette terre qui gagne sa réalité grâce à leurs
mouvements. Sans ces incidents, jeux et rires, ou rencontres - terme réitéré, ce ne serait que cadastre vide ou
carte postale fgée. De cet espace et grâce à la voix, se fraie le vivant. Le processus qui fonde le flm, fonde cette
indissociabilité humain / monde ; espace / homme. Deux voix se grefent. Le duo se complète. Dire ce qui se fait,
c’est le faire faire, c’est l’inventer en idée.
La première féminine ne doit pas être cantonnée à la description, même si la crédibilité de l’énoncé profte de
la coïncidence de ses dires avec les activités entrevues comme les «épisodes » de la voiture : arrêtée, récupérée,
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