Page 154 - Catalogue_Traverse Vidéo_2018
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Projections Musée des Abattoirs
s’animent en pixilation sur une zone orange, sa complémentaire. La confrontation des
couleurs est forte avec le rouge de la terre, du magma.
Les arcs d’électricité ajoutent à cette image de la puissance et esthétique.
Plus étonnamment, filmé en 8 mm et Super 8, le roman familial s’y immisce ; les
étapes biographiques ne négligent aucun moment canonique : enfance, adolescence,
maturité y privilégiant les moments heureux – en excluant la mort – selon la fonction
attribuée au film amateur, au film de famille. Les jeux, l’apprentissage du violon, du
ski, les occupations d’été avec la plage et la visite de divers pays avec les clichés
obligatoires des défilés militaires ou de l’Alexanderplatz, ou des paysannes en tenue
folkloriques, quand ni les bougies de l’énorme gâteau d’anniversaire ni le mariage n’y
manquent.
Le modèle d’apparition se détache de l’habituel écran déroulé en fin de repas ; les
images se discernent, disparaissent ici et là, sans jamais saturer le champ. Elles
adoptent pour écran les éléments les plus inattendus, et particulièrement les cailloux
brillants de graphite eux-mêmes animés et réitérés… rejoignant les démarches à la
lettriste pour libérer le film de l’obligation de carcan y compris de l’écran.
Le même inattendu enlacement s’opère quand le « bon anniversaire » se chante sur
la litanie nucléaire.
Est-ce dire que la famille française Pendant ce temps-là reste insouciante et n’entend
pas les paroles apocalyptiques concernant « cet enfer déchaîné par les hommes », et
ce, malgré le retour d’un œil, masqué par des nuées, ou rouge comme son alentour,
ou qui, en coda du film, fixe en regard adressé, en effet hors cadre, vise l’éventuel
coupable en memento mori/souviens-toi que tu vas mourir.
Ou la famille française Pendant ce temps-là vit, qu’il faut vivre, selon le carpe diem/
profite du jour…
Parce que Pendant ce temps-là ouvre les deux lectures d’une vanité en acte, il ne
s’épuise pas. Plus encore, en projetant ces images d’une vie au-delà d’écran, il rejoint
des préoccupations de liberté de l’image et du film et de sa construction. Et par là
même, il laisse le champ à la pensée de se faire même si c’est sous le mode du fracas.
Simone Dompeyre
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