Page 150 - Catalogue_Traverse Vidéo_2018
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Projections Musée des Abattoirs
Cependant c’est la vue qui est la destinataire du film – et l’ouïe et les neurones – et
le plaisir, sa mission.
Simone Dompeyre
Melanie Menard, Ghost House
5min08 | Angleterre
La mémoire se forme sur les reliefs du temps ;
des maisons vides depuis si longtemps que
poussières, tavelures, fissures et murs lépreux
n’augurent pas de nouveaux aménagements.
Maison simple à étage, avec fenêtres barrées de
rideaux plus ou moins intacts, blancs à fleurs ou
rouges plus audacieux et dont l’ameublement tout aussi simple ne manquait pas de
l’essentiel ni des objets du quotidien, parsemant, désormais, les décombres.
Ce n’est cependant pas la nostalgie qui guide cette investigation, aux mouvements
curieux, ne refusant aucun axe ni zoom avant ou arrière car même si en incipit, une
petite horloge jouet, décorée, poursuit son balancement en attestation des attentes
d’une petite enfant, les bouteilles vides nombreuses, l’imagerie pieuse fréquente
entraînent vers un autre constat du mode de vie. Enfant roi abîmé saisi au passage.
Un Christ en jeune homme aux longs cheveux dont le renversement n’est pas redouté
par le montage qui le fait tournoyer, jouxte, en un autre plan, des pages arrachées
d’un livre de prières qui n’hésite pas à énumérer « éjaculation interdite » et « fleurs ».
Le visage de la vierge occulte à demi celui d’une jeune femme qui l’occulte à son
tour, comme prise obligée par ce modèle. Les reflets de deux miroirs redonnent plus
de brillance à ce qui est, en écho de ce qui fut et le vert des plantes éloigne tout
larmoiement.
La musique électronique elle-même se teinte de mélancolie, Shadow of sleep.
Son nom adopte le propos : ils dorment ceux qui furent ainsi pris par de telles règles…
d’eux demeure l’ombre grâce à laquelle on peut les réveiller.
Pour un deuxième film de la même réalisatrice programmé, cf. p. 57.
Simone Dompeyre
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