Page 234 - Catalogue_Traverse Vidéo_2018
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Photographies & dessins  Prép’Art

photo : Raphaëlle Bourrillon  Elle ne copie pas un réel, ici là, ailleurs là-bas, elle invente son « dessinage » comme
                              l’on dit paysage ou visage ou rivage le suffixe -age signifiant l’ensemble de, ainsi
                              composé.

                                                                     Exquisitus l’exquis, le raffiné, l’agréable aux sens puise
                                                                     à l’étymon quaerere/chercher  ; «  enquête  » en vient
                                                                     comme l’ancien « quérir » qui convient à la manière
                                                                     de regard invité devant cette œuvre sans point final.
                                                                     En total accord avec le projet de l’artiste qui dit :
                                                                     « L’œuvre était vouée à ne pas s’arrêter. Son exposition
                                                                     en 2014 a nécessité les tableaux noirs des extrémités.
                                                                     Ils servent d’arrêt provisoire et sont en même temps
                                                                     pour le regardeur, les ouvertures vers de nouveaux
                                                                     mondes intérieurs. »

                                                                     Exquisitus est un beau leurre, il joue sur les sens :
                                                                     le cadavre est exquis, qui de page à page distincte
                                                                     développe un panorama toujours en suspension.

                              Les Surréalistes arrangeaient le dessin dit obtenu par la participation créative de
                              diverses personnes ne sachant ce qui avait été tracé sur le papier plié avant qu’il ne
                              leur fût transmis. Inversement, Geneviève Démereau garde la main sur l’ensemble en
                              tâchant de la perdre puisque travaillant selon ses sensations désirantes et ponctuelles,
                              à l’improvisation (ce qui, par ailleurs, réclame la plus grande des maîtrises du médium)
                              elle prolonge son grand œuvre – qui compte vingt et un panneaux de 40 cm pour
                              atteindre 8,40 mètres – en faisant/dessinant puis en tâchant d’oublier la « pièce »
                              dans une boîte.

                              Elle perturbe l’élément papier peint, dont elle
                              emprunte des lés monochromes beiges presque
                              blancs, au motif attendu de vrilles d’un baroque
                              assagi, en relief tactile mais qu’elle coupe en leur
                              milieu pour y intégrer l’un des quatorze dessins de
                              cette proposition. Tous paysages sans humaine
                              présence, tous dans la précision aveuglante
                              du moindre brin d’herbe oscillant puisque de
                              l’immobile sourd les possibilités de passage, de
                              transformations. À nouveau, la poétique pensante
                              de Lucrèce, qui argumentant qu’il n’y a que
                              mouvement dans l’univers malgré les apparences

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