Page 232 - Catalogue_Traverse Vidéo_2018
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Photographies & dessins Prép’Art
promesse de mouvement, un parfum léger de volonté...
Les personnes ainsi mises en portrait restent anonymes, elles éprouvent souvent
des difficultés à se reconnaître, tant cette image de soi-même, en dos, n’est pas
familière. À la place du portrait « classique » de face, qui désigne le regard comme
seul axe porteur de sens (le façonnage des ombres et l’effacement des défauts de
carnation participent à la stratégie du regard « contrôlé »), cette pose « imposée », par
le geste théâtralisé de la main qui hisse les longs cheveux sans réel contrôle, donne
à voir la nuque, les épaules, met en lumière la carnation. La peau est ainsi révélée
par le réalisme photographique tempéré (fond neutre, éclairage neutre) : le grain de
la peau, le défaut, la rougeur, le creux de la trace, le bouton ; l’existence même, son
mouvement en son principe d’incertitude et de finitude. Crue et sensuelle.
Cf. l’intallation eau salée du même artiste, p. 206.
Geneviève Démereau, Exquitus / Le Cube / Le Cosmos / Sans titre
Toulouse, France
« Ta phainomena opsis tôn adèlôn/les phénomènes sont le visible des choses inconnues »,
Anaxagore.
Exquitus : le quadrillage de la feuille censé faciliter le dessin, non seulement, perd de
sa rigueur géométrique puisque les bordures s’estompent mais perd de sa nécessité
préparatoire puisque déjà y figure le dessin de la main qui devrait dessiner celle-ci et
qui, plus encore, plonge dans le support. Du moins, le bout des doigts s’enfonce de
part et d’autre de cette image sans profondeur, en un effet double de transparence du
support ainsi quadrillé, qui subit des distorsions de cet appui et de souplesse.
Ainsi la précision du bras masculin au poignet de chemise strict, le format écho du réel, la
cohérence de la marque de l’appui par rapport au support film polyester n’enlèvent-ils
pas l’imperceptible geste de recul – étonnement devant ce vrai-faux. En l’histoire des
arts, des miroirs, des reflets voire l’option cubiste ont donné simultanément l’autre
côté du corps, ce Sans titre emmêle aussi les temps.
Plus d’avant ni d’après, le présent du main-tenant de
ce qui y a lieu dans la figuration de ce qui se fait.
Ce dessin apparemment simple de jeu de mains se
fait propédeutique aux cheminements vers lesquels
conduisent les images de Geneviève Démereau.
Que ces dessins empruntent des noms,
programmatique et simple comme Le Cube dénotant
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