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Photographies & dessins  Chapelle des Carmélites / CROUS

Jean-Paul Espaignet, À poil

Région Occitanie, France

                                             La distinction entre un nu pornographique ou
                                             un nu artistique dépend seulement du regard
                                             du spectateur.
                                             Des œuvres comportant des représentations
                                             de corps dénudés ont souvent fait l’objet de
                                             polémiques. Tandis que les uns soutiennent que
                                             l’œuvre en question n’est pas de l’art, parce qu’elle
                                             est obscène ou indécente, d’autres répondent
                                             qu’elle ne peut être condamnée ni pour obscénité,
                                             ni pour indécence, parce qu’elle est de l’art.
                                             Comment regarder d’un œil neuf ces peintures
                                             classiques, néo-classiques ou orientalistes dans
                                             lesquelles le nu masculin ou féminin, produit de
                                             notre civilisation occidentale, est omniprésent.

J’ai eu tout simplement envie de les confronter à un public qui ne leur sera probablement
jamais proposé physiquement, géographiquement ou intellectuellement.
Ce sont de jeunes Cubains étonnés par la représentation de l’Amour de Westall,
de jeunes Vietnamiennes peut-être admiratives devant une envolée de jeunes corps
nus peints par Bouguereau, un couple de vieillards passant lentement devant une
Vénus attirée par un satyre de Bronzino, deux seniors crétois bancals allant vers un
nu superbe peint par Hayez, deux religieuses madrilènes marchant sur l’eau dans un
harem peint par Gérome ou une file disciplinée de touristes vénitiens impressionnés
par le nain géant de Bronzino.
J’aimerais que ces représentations virtuelles, et pourtant oh combien actuelles soient
aussi étonnantes et détonnantes pour vous qu’elles l’ont été pour moi.

Des mondes séparent les mondes.
Dans la Grèce antique, l’homme nu était l’image d’une absolue perfection, le reflet
d’un ordre divin. À la fin de l’Antiquité et au Moyen Âge, le réalisme apparent des
nus antiques, la régularité de leurs traits et leur pouvoir érotique sont devenus
incompatibles avec la religion chrétienne.
La signification des nus est généralement négative : péché, renoncement au monde,
dénuement au sens de pauvreté, malheur et mort.
Le nu positif signifiant beauté, fécondité, prospérité, force, désir ne se retrouve qu’à
la Renaissance.

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