Page 230 - Catalogue_Traverse Vidéo_2018
P. 230
Photographies & dessins Chapelle des Carmélites / CROUS
Jean-Paul Espaignet, À poil
Région Occitanie, France
La distinction entre un nu pornographique ou
un nu artistique dépend seulement du regard
du spectateur.
Des œuvres comportant des représentations
de corps dénudés ont souvent fait l’objet de
polémiques. Tandis que les uns soutiennent que
l’œuvre en question n’est pas de l’art, parce qu’elle
est obscène ou indécente, d’autres répondent
qu’elle ne peut être condamnée ni pour obscénité,
ni pour indécence, parce qu’elle est de l’art.
Comment regarder d’un œil neuf ces peintures
classiques, néo-classiques ou orientalistes dans
lesquelles le nu masculin ou féminin, produit de
notre civilisation occidentale, est omniprésent.
J’ai eu tout simplement envie de les confronter à un public qui ne leur sera probablement
jamais proposé physiquement, géographiquement ou intellectuellement.
Ce sont de jeunes Cubains étonnés par la représentation de l’Amour de Westall,
de jeunes Vietnamiennes peut-être admiratives devant une envolée de jeunes corps
nus peints par Bouguereau, un couple de vieillards passant lentement devant une
Vénus attirée par un satyre de Bronzino, deux seniors crétois bancals allant vers un
nu superbe peint par Hayez, deux religieuses madrilènes marchant sur l’eau dans un
harem peint par Gérome ou une file disciplinée de touristes vénitiens impressionnés
par le nain géant de Bronzino.
J’aimerais que ces représentations virtuelles, et pourtant oh combien actuelles soient
aussi étonnantes et détonnantes pour vous qu’elles l’ont été pour moi.
Des mondes séparent les mondes.
Dans la Grèce antique, l’homme nu était l’image d’une absolue perfection, le reflet
d’un ordre divin. À la fin de l’Antiquité et au Moyen Âge, le réalisme apparent des
nus antiques, la régularité de leurs traits et leur pouvoir érotique sont devenus
incompatibles avec la religion chrétienne.
La signification des nus est généralement négative : péché, renoncement au monde,
dénuement au sens de pauvreté, malheur et mort.
Le nu positif signifiant beauté, fécondité, prospérité, force, désir ne se retrouve qu’à
la Renaissance.
230