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CROUS – Toulouse Occitanie  Installations

de la lumière, dans leur détournement constant parfois jusqu’au dénigrement…
affectueux.
Il ne s’y cantonne pas à des histoires de famille, même si ce sont les compagnes de vie
et lui-même qui se meuvent dans le champ puisque, à chaque fois, il fait expérience
sur la réalité de l’image ainsi qu’en laboratoire, on ajoute dans le tube d’essai tel ou
tel produit pour vérifier ou découvrir les réactions sur le premier matériau.
Il peut convoquer les grands ancêtres en photographie, en cinéma voire en art vidéo
comme il peut raconter, en place de filmer, ou, comme ici, ne pas prendre l’image
comme preuve de ce qui a eu lieu ainsi cet opus se termine-t-il par un refus de se
souvenir d’une soirée particulière.
Le sujet, une jeune femme en simple tee-shirt à capuche et queue de cheval aux
mèches désordonnées photographie ; elle vise les objets de son appartement qu’elle
arpente sans projet de faire visiter ni de privilégier tel ou tel objet.
Un Canon exhibe sa marque : appareil sérieux duquel on ne doute pas… pourtant
chacune des prises de vue avec son bruit caractéristique enlève l’image de l’objet
photographié. Des rectangles noirs remplacent les objets premiers qu’ils soient
photographies encadrées, éléments mobiliers ou toits de la ville par la fenêtre que
l’on ouvre. Des zones noires délimitées se succèdent… loin de l’image référentielle,
c’est l’aniconique qui gagne. La photographie n’est plus écriture/graphein de…
quand c’est le syntagme « prise de vue » qui l’emporte. Y prendre image provoque
l’enlèvement de l’objet alors que la démonstration est en images  : la paradoxe
annoncé...
Il devient logique que s’interroge le responsable, ainsi se découvre l’image interne
de l’appareil, puisque outil de cette captation mais le reflet s’y dégrade jusqu’au
trouble. Paradoxe.
Cependant, rien de tragique, rien d’inquiétant car non seulement la jeune femme
sourit, rit, en s’activant, allant ici et là, sans pause mais d’emblée, le film a choisi
de les peindre électroniquement elle et son lieu. Une espèce de détourage, de traits
accentuant les cheveux fous voyage vers une esthétique de film d’animation alors
que la couleur saturée déréalise la scène.
Ceci reste question d’image mais dans le plaisir de l’image, le bonheur de s’y
mouvoir. Ce qui me meut, titre de l’inoubliable premier film de Klapish – un court
métrage de 1989 – faisait mine de retrouver les balbutiements du dit pré-cinéma,
Video killed the human brain? fait mine de se perdre en prenant photo après photo or
il assure qu’en la maniant avec la pensée de… la vidéo ne tue pas le cerveau mais
alimente la réflexion.

                                                                   Simone Dompeyre

                                                                                       193
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