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Installations  Galerie 3.1

Elle se définit par le passage de ces hommes, délimité au sol à un moment par les
traces laissées d’une roue de valise à gauche et d’une roue de vélo à droite.
Un passage, une traversée. Un regroupement, non pas en masse, mais singulier.
Individualisé par des accessoires, des bribes de pensées ou des gestes propres. Je pense
à l’univers de la Tanztheater de Pina Bausch. Des situations absurdes, décalées mais
profondément humaines.
Cette langue de sable au premier plan est un seuil. Elle annonce le changement.
Au bord, à la frontière, les vagues viennent chercher les hommes pour les amener
ailleurs. Où ? On ne sait pas.
Là-bas… « penses-tu qu’ils reviendront. Allons-y » dit l’un d’entre eux.
Une fin, un commencement. Un quai, un embarcadère.
Les personnes arrivent, parfois hésitent, attendent un peu. Elles regardent devant
elles et espèrent. Mais toutes embarquent.
C’est l’exode. Ce sont les réfugiés d’aujourd’hui ou d’hier. Le passage de la mer
Rouge en Egypte.
En entrant dans l’eau, les traces disparaissent. C’est profond. Silencieusement
engloutis, je pense aux noyés de la Méditerranée.
Ils marchent pour disparaître vers l’horizon, dans l’illusion de l’image.
On ne sait pas comment, peu importe, on y croit.
Ces hommes, c’est nous.
C’est moi.
Ils marchent vers « l’eau-delà ». Et le ciel prend le reste de l’image.
C’est la marche inexorable du temps, la disparition sans pathos.
Notre propre destin, notre propre destination.
Je me suis demandée si cette œuvre était expérimentale.
Achevée ou inachevée.
Cette œuvre œuvre sur le spectateur.
Elle est pleine.
De Silence.
Aux mots de déferler,
ensuite.
L’artiste appartient à ces hommes. Je crois l’apercevoir avec sa caméra dans l’image.
Il observe et donne à voir, simplement, ce qu’il voit.

                                                                   Marie Vandendorpe

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