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Projections Cinémathèque de Toulouse
Cinémathèque de Toulouse | Cabinet des curiosités
Zong Jhan Li, The Pivot Point
8min07 | Taïwan
The Pivot Point tend entre deux figures et deux
temps de Taïwan, soutenu par une virtuose
variation iconique sur, inversement, un constant
fond sans motifs ; celle-là va du dessin main à
l’avatar 3D.
Le premier plan fixe encadre un texte en
sinogrammes caviardé par de lourdes ratures sous
lequel un dessin coloré mime le style enfantin. Un
groupe de personnes du peuple souriant y suit un lettré distingué par son costume
dont il ne reste cependant que l’espace vide de sa silhouette découpée. Ils se figent
en figurines aux traits plus grimaçants, connotant leurs gestes de menace quand lui,
aux traits précis et yeux perçants s’anime et les quitte pour atteindre un carrefour,
éponyme du titre. Sentencieusement, en gestes précis et mimant des ciseaux, le
lettré, Lin Ban-Xian, explique, contre toute attente pour un maître taoïste, sur un
ton menaçant que l’intersection où il se tient, dans la ville de Linyuan, au Sud
de Taïwan est le Point de pivot d’une Malédiction des Ciseaux. Malédiction qu’il
aurait lancée vers 1700 parce que son cadavre avait été enterré à l’envers. Dressé
au centre de bosquets numériques, il réclame sa place alors même qu’elle lui est
enlevée par une inversion de son monde du haut en celui du bas.
Dans ce déplacement, un monde moderne, sans arbres avec géométrisation des
immeubles, très vide, se centre sur un nouvel homme, en uniforme de l’armée
chinoise : Chiang Kai Chek dont la statue a été érigée, au début du xxe siècle
à ce même endroit. L’homme politique efface, plus encore Lin Ban Xian,
en s’autoproclamant le sauveur de Taïwan qu’il a libérée des Japonais et des
communistes – on se souvient qu’il s’y réfugia, après son échec face à Mao Tse
Tung, alors que lui-même avait participé à la cohésion de la Chine et à son entrée
à l’ONU, en tant que représentant du Kuomitang. Deux siècles séparent les deux
hommes que la simulation 3D réunit comme les deux faces d’un énorme culbuto
tout en façonnant leur visage selon des documents ou photographies pour l’homme
du xxe siècle. Et ce qui les rapproche plus encore, est la voix que leur prête l’artiste
ainsi que l’avatar. Le « point pivot » gagne en polysémie, il devient le lieu de passage
de la pensée, de la croyance, des attentes d’un peuple, celui des ambitions des
puissants et, très précisément, de la réflexion sur la transmission et l’appropriation
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