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Cinémathèque de Toulouse  Projections

Roman Ermolaev, Holy Land

7min49 | Pays-Bas, EYE Film Institute

                                                  Holy Land/Terre Sainte est le lieu d’une
                                                  confrontation de codes, d’images,
                                                  d’imaginaires. Dans un espace
                                                  minimaliste, pièces peu meublées
                                                  d’une maison aux grandes fenêtres par
                                                  lesquelles pénètre la lumière du jour, se
                                                  mêlent un style xviie siècle  – des murs
                                                  aux décorations en bois d’un turquoise
                                                  profond au papier peint orné ocre/
                                                  orangé à du mobilier baroque comme à
des outils plus contemporains, électroniques tels qu’un ergomètre – tapis roulant
sur lequel se mime la course à pied  – ou ce Dremel et des paysages urbains en
arrière-plan incluant une architecture ou des machines contemporaines ainsi que
des infrastructures de transmission électrique. La même mixité se manifeste dans les
supports de tournage : des images analogiques en 16 mm, granuleuses et légèrement
floutées comme des images numériques.
L’esthétique de Holy Land parfois adopte le clair-obscur des peintres flamands et les
trois protagonistes – un homme et une femme blancs, aux yeux bleus, portent les
costumes du siècle d’or néerlandais ainsi qu’une jeune femme noire, aux cheveux
détachés, mais, elle, seulement vêtue d’une robe blanche de la même époque  –
agissent corps éclairé sur un fond pauvre.
Leurs actions relèvent de l’absurde  : l’homme s’entraîne sur le tapis de course,
la femme lui apportant une orange non pelée dans une assiette ; plus encore, en
incipit, la jeune femme noire, assise sur une chaise, enlève à l’aide d’un Dremel la
couche d’émail d’un vase en faïence de Delft dont le motif de moulin à vent est
devenu quasiment une métonymie des Pays-Bas.
En coda : le vase, à l’émail entièrement enlevé, est posé sur une table alors que la
formule « The windmill was errased/Le moulin à vent a été supprimé » se lit comme
signe de l’incompatibilité des manières contemporaines et de celle de fondation de
l’Histoire ou inversement comme la forte survivance dans l’inconscient collectif de
l’imaginaire du passé dans les mœurs actuelles.

                                                                   Antoniy Valchev

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