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Projections  Cinémathèque de Toulouse

                                               convives en jouent, les déplaçant, formant
                                               des monticules, des cercles… sans se
                                               parler, ils s’appliquent à leurs gestes en
                                               écho et réagissent aux niches du sixième,
                                               un enfant nu qui taquine les pieds sous
                                               la table. L’animation scande plus encore
                                               cette dégustation des plus particulières où
                                               ils picorent avec les yeux ou du bout de la
                                               cuillère.
Étranges, corps marqués de stries elles-mêmes entre-cachées par des tissus avec
perles et broderies, bijoux pendant pour tous hommes et femme, qui ne couvrent
que partiellement le corps. La femme au vaste décolleté diffère dans son attitude
avec l’enfant, lui préparant son assiette en imitation à la sienne, tentant de le faire
venir à table, lui touchant la main. Leurs yeux sont sous un masque de dentelle qui
ne peut occulter complètement la grande lumière qu’ils lancent.
Le silence lourd qui porte leur description en variation d’échelle des plans qui
s’approchent au plus près de ce qu’ils sont/font est perturbé par un vacarme
extérieur les incitant à boucher leurs oreilles, à tenter de ne pas en reconnaître
l’origine, contrairement à l’enfant qui s’approchant de la fenêtre récupère de la pluie
tonitruante, une corneille. Il la manie, jusqu’à ce que les adultes la lui confisquent la
transformant en projectile vers chacun.
Giflé avec violence, le garçon ne peut, malgré une dernière tentative de résistance,
qu’accepter le modèle, alors des morceaux de terre de celle qui forme leur corps,
tombent sur la table et ses yeux lancent la grande lumière de ses « parents ».
La fable en couleurs noires condense en cette scène de repas, la douloureuse
imprégnation des codes, l’adoption des attitudes et leur poids… et combien un
élément aussi futile soit-il – chatouiller les pieds – peut renverser cet équilibre. Elle
décrit la difficulté pour un enfant d’en comprendre la nécessité et de les accepter ;
elle le montre désireux de comprendre – la pluie des oiseaux – et d’expérimenter la
nouveauté. Certes, il y gagne la lumière des yeux mais si déferlante qu’il lui faudrait
à son tour apprendre à les occulter pour être de son groupe. Dès lors, cette vivacité
empêchant de voir sature le champ bouclant cette scène d’apprentissage… trop de
lumière perturberait tout autant la vision.

                                                                   Simone Dompeyre

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