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Traverse projette à l’UGC

                                                                Joël Curtz, Mise en boîte, avec performance
                                                                inattendue, 4min30

                                                                      Un plan fixe, une salle simple sans autre
                                                                objet qu’un téléviseur sur un socle blanc, devant
                                                                lequel sont disposés douze sièges occupés par
                                                                des spectateurs, ils se ressemblent et sont vêtus
                                                                identiquement: même chemise bleue, même
                                                                chevelure frisée brune.

                                                                       Mise en boîte ne réclame que 4,30 min
                                                                pour que l’artiste s’intègre de manière plurielle:
                                                                à la fois, en tant qu’image enfermée derrière l’é-
cran du téléviseur, mais également en tant que spectateurs de sa propre image. En outre, la projection a
été suivie, d’une action inattendue - d’autant plus inopinée qu’elle n’était même pas mentionnée dans la
programmation- qui poursuivit la mise en abyme de l’image de soi.
          Mise en boîte se plaît à la confusion, qui est spectateur, qui est image, qui est producteur
de l’image ? Entre ironie et jeu, l’artiste bouscule un peu les spectateurs en leur rappelant leur posture
d’acteur. Nous sommes assis devant un grand écran, sur lequel est projeté un écran dans lequel des indi-
vidus occupent une position semblable à la nôtre ; tous semblablement, observent un jeune homme enfer-
mé dans la boîte télévisuelle ce qui, bientôt, s’avère leur propre reflet- derrière l’écran, quand l’un de spec-
tateurs se retourne. L’écran se donne comme une surface-miroir. Et le pouvoir du miroir se renouvelle
puisque le rire des spectateurs internes au champ ( les avatars de Joël Curtz, ce que nous spectateurs
externes avons compris quand il a performé devant nous, dans la salle de l’UGC), devant la difficulté,
devant l’impossibilité de l’homme enfermé de se libérer, s’est prouvé contagieux. Jusqu’à ce que nous
ayons pris conscience que c’était, en quelque sorte, notre reflet qui se débattait derrière cet écran. A ce
moment précis, la sensation de moquerie se transforme en malaise. Quand l’artiste retient sa propre
image pour les rieurs et celui dont ils rient, par cette démultiplication, il renvoie à notre position com-
mune de spectateur.
          Sous l’apparent amusement, se découvre le questionnement autour de cette relation image-
spectateur. L’image n’existe que si elle est perçue, ainsi le spectateur est-il acteur en tant que sujet du
regard qu’il produit, moteur de ce regard. Et ce, de manière d’autant plus vivace que, au moment où se
retournent les avatars dans la vidéo, Joël Curtz, assis dans la salle de projection, se lève et se retourne
vers nous, pour finalement éteindre l’écran avec une télécommande.

          Mise en boîte devient également la nôtre, comme on dit « se moquer de ». La fausse fin du film
par le rebond de la performance nous a sortis de la relation de distance face à l’image la considérant
comme le portrait de cet jeune homme, lui accordant une réalité autre. Par ailleurs, l’implication de l’artis-
te a été plus prégnante parce que déroulée dans une salle de cinéma. En effet, le cinéma a pour parti-
cularité de vouloir faire oublier son corps au spectateur pour le plonger dans une fiction, or le spectateur
par cette performance, a pris conscience de sa position puisqu’il était en face d’un lui-même, et qu’il a été
ramené à son statut : un corps assis dans une salle de cinéma.

          L’efficacité déroutante de cette vidéo avec performance, a entraîné l’unanimité de rires très
réflexifs. L’ironie de Joël Curtz entraîne à questionner la profusion d’images, notamment télévisuelles.
L’écran dans lequel l’alter ego de Joël Curtz est enfermé est une télévision, espace de diffusion massive
des images. Le monde retranscrit à la télévision n’est pas la réalité puisqu’il est image, or, il est monté de
manière à être pris pour le réel. Dès lors que le télévisuel est pris pour la réalité, la distance entre l’image
et le téléspectateur n’est plus. Ce téléspectateur est captif de ce faux monde, ainsi s’éclaire l’enfermement
de Mise en boîte - ce qui est une autre manière de lire le titre.

                                                                                Julien Lagorce
(Voir La Mariée, P 28)

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