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Installations Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 132

danse ancestrale, en une même cadence enjouée sur la place Taksim ; première manifestation du 1 mai 2013
er
qui fait date par la rudesse de la réaction par les gaz lacrymogènes et autres lances à eau de la police
dont les fusils tiraient des balles de caoutchouc.
Deux univers, le politique et l’artistique, n’en font plus qu’un puisque, importée dans la rue, la danse
s’avère revendication de liberté, très fortement pour une jeune femme, d’être femme libre et dansante.
Sa longue avancée en robe courte et estivale, va dans Istanbul par rue et par place, elle connote sa témérité
et son engagement puisque le pouvoir turc est critique voire accusateur contre les femmes non voilées.
Elle passe crescendo d’un groupe d’enfants, qui, claquettes, découvrent un mode de jeu, à la déambulation
dans le port où les regards des pêcheurs sont plus ou moins incisifs où des hommes se retournent
devant cette liberté prise, avant de croiser et d’échanger musique et danse avec divers marchands de
rue ou tel balayeur et de rencontrer les manifestants pour et avec lesquels, elle fait musique et danse.
Ainsi la jeune femme virevolte-t-elle, danse les claquettes quel que soit le regard posé sur elle, et elle vise à
en entraîner d’autres dans sa traversée qui devient la métaphore de la résistance face à un gouvernement
autoritaire, de plus en plus guidé par la religion et son lot d’interdits.
Les chants, slogans et réclamations en off participent à cette résistance en artistique : ceux de la destruction
des maisons du passé sans relogement provoquent la marche à travers les décombres et un duo de percussion/
claquettes ; ils se gaussent d’un président qui les traite de « looter » ; ils disent la situation de rues barri-
cadées pour empêcher l’accès à la place devenue emblématique de leur résistance, concluant que cela
les induit à faire de tout lieu une nouvelle place Taksim, ils réclament les droits et le Bella ciao envahit
l’espace sonore au même rang que la partition des pots et des cuillères scandée depuis les fenêtres
et sur le macadam.
Après la monstration de la résistance de la rue, en métonymie de l’aspiration à un futur meilleur, un homme
lève son regard vers cet ailleurs qui chanterait, le visage d’une femme plus âgée se dessine de profl
sur le fonds du ciel stambouliote.
Et merveilleuse preuve de l’ouverture, la performeuse croise sa danse, ses claquettes avec celle d’une
jeune femme se permettant le tournoiement sur soi-même des derviches tourneurs - jusque là réservé
aux hommes et au rite musulman souf.
One million steps dépasse de loin la limite du nombre arrêté, aussi grand soit-il ; la vidéo communique
l’espoir en la résistance, au groupe soudé face à l’oppression mais aussi la force de la résistance en
l’art, plus personnelle, plus métaphorique qui, dans la performance, cette implication du corps comme
médium, fait acte politique. Un acte dans l’espoir du faire chorégraphique et vidéographique.
Simone D.














© R. Alvarez





- 8. Decazeville-
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