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Installations Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 130

Cindy CORDT, La laie pleine imite le gargouillement du ruisseau / Die trächtige Bache eifert den
gurgelnden Bach nach, Alle.

Un espace dans la pénombre, sept moniteurs au sol, s’y disséminent au pied d’un grand écran au mur
comme leur horizon, leur limite, leur lieu… ils arrêtent le regard qu’ils répercutent de l’un à l’autre et
qu’ils rattrapent tant celui-ci est étonné de retrouver le même motif. Une tête féminine dans un halo
lumineux occupe chacun d’eux, dans la plus grande ressemblance, variant, seulement, parfois, de couleur
de cheveux et toutes se gargarisent, yeux écarquillés.
Le grand écran conforte l’incongruité… une jeune femme - différente et la même - émet les mêmes
sons sans sens et sans raison.
Pourtant tout commençait par une bucolique au calme topique ; une étendue d’eau parmi les arbres
accueillante, susceptible de tous les déjeuners sur l’herbe où le nautique n’est jamais loin. Frondaison
brillante, sous bois sans danger et l’eau dont cependant le vert éloigne de la couleur attendue et pure,
ce qui n’arrête pas la jeune flle qui, nouvelle Ondine, s’y avance sans se dévêtir et sans hésitation.
Elle s’immerge et se dévoile la couleur qu’elle est due à des lenticules, ces petites plantes fottantes
qui se multiplient sur les eaux stagnantes. L’image n’est plus celle de l’étang pur, de l’eau heureuse.
L’étrangeté du titre fait signe, tous les règnes - animal/humain/nature - s’y juxtaposent : s’y entend une
femelle animale - la laie - capable de désir et de pouvoir mimétique - elle imite un son corporel - le
gargouillis - accordé à un cours d’eau - le ruisseau - et elle est pleine - enceinte. Pourtant l’être qui
s’avance dans l’eau est une jeune femme mince.
La femme en robe légère et d’été n’est pas une moderne Lorelei prête à vocaliser des lieder ; elle n’est
pas davantage une Ophélie se noyant d’amour, dont le poète chanterait la mort mais, sous l’ombre portée
des arbres et la fraîcheur de l’eau, censée être un bel animal, elle émet des bruits. Elle se fait gargouillis.

Sans motivation narrative, malgré l’étrange information de son état - pleine pour un animal/enceinte
pour une femme - sans contrefort poétique en désaveu de l’onde première, elle se retourne, fait face



























© R. Alvarez


- 8. Decazeville-
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