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Installations Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 128


Roberta SEGATA, L’odore delle ossa, 19 : 25 min, It.
L’odeur des os, sans doute la traduction ôte-t-elle la poésie de l’italien alors même qu’elle ouvre une
porte sur ce qui taraude l’artiste et sur la part autobiographique de cette envolée poétique.
La jeune femme dans la prairie des vidéos précédentes, près des branches des arbres, dans le bonheur
et la couleur du monde a changé d’espace et son propos de tonalité.
Espace immense, pris de neiges que l’on ne peut penser qu’éternelles tant les pas pour la traverser
s’enfoncent en chausse-trapes, tant il faut d’efforts pour y avancer, s’en extraire pour recommencer le
pas, tenter d’aller encore et encore.
En un plan général, se déploie l’immensité en blanc d’où perce le triangle de rares et petits rochers
noirs… l’un bouge, une jeune femme dont le manteau court et la robe plus claire partagent ces deux
teintes. Elle se lève… troncs si minces des épicéas ou congères occupent le champ survolé par une
légère houle et les bruits de son avancée à peine audibles en opposition à la cascade fracassant le silence
plus loin.
Elle court, jusqu’à faire face au très loin, à un point de fuite entre d’immenses montagnes.
Plus tard, elle se détache de son manteau bien peu effcace pour la couvrir - ce qu’il devait cependant
mieux faire que sa robe de laine tricotée à grandes mailles, blanches avec un dégradé de gris écho de
la neige pour s’y fondre, s’y faire accepter, s’y reconnaître. Son corps ébauche un duo avec la neige,
les bras des mouvements pour creuser là où elle enfouit sa dépouille vestimentaire…et elle poursuit
ce qui s’impose comme à recommencer.
La montagne est inhabitée, sans animaux canoniques, tout a lieu entre la jeune femme et ce monde
qu’elle embrasse ainsi paradoxalement. Image du corps devant accepter le froid de l’être pour sauvegarder
sa nécessité d’être, du corps luttant avec les armes de ce qui mine. Tel panoramique entraîne le regard
vers les versants altiers, tel travelling avant détaille les sous-bois.
Beauté contre beauté : le versant blanc devient exposant de la danse ; le visage vainc la potentialité
de déformation. Une étrange harmonie s’empare de ce temps sans temporalité.































- 7. Prép’art / Decazeville-
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