Page 113 - catalogue_2012
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Sylvia WINKLER, Stephan KOEPERL
Staring at the stranger for a long time
Et on leur obéit, avec plus
au moins d’audace, visage
à travers la portière, visage
tournée depuis sa moto ou
son vélo, à pieds, on regar-
de, homme et femme, quel
que soit l’âge, sauf peut-
être les enfants portés par
la mère ou le père à la
mode branchée occidenta-
le sur le ventre, parce que
trop jeunes… mais à la fin,
une vieille dame avec sa
veste de soie canonique
s’arrête en croquant des
graines.
Des portraits se dessinent
et des distinctions.
Si certains épèlent ainsi
que le dessinent le mouvement des lèvres sans mimique de satisfaction, d’autres en saisissent les mots
et en rient.
Car ce qui s’immisce ce sont les transformations des Chinois, leur différence entre eux. Croisant
des rickshaws plus ou moins abîmés, quelques voitures individuelles même si rien de tapageur, la rue est
une rue typique de la Chine d’avant.
Un costume Mao y survit ainsi que deux ou trois traces d’uniformes parmi des vêtements mondialisés,
sans grande coupe dans ce quartier populaire sauf pour cette jeune femme en jupe à plis couchés et
grande ceinture ou ce cadre en veste bleu marine avec sacoche en bandoulière… L’empire du milieu a
changé de modèle.
On va dans la rue, pour de nombreuses raisons y compris la promenade ou l’achat - une poche Zara est
tenue ; on y marche seul, entre amies ou en couple qui désormais se touche la main pour marcher.
Cependant si la curiosité fait arrêter la plupart avec plus ou moins d’aplomb et de perplexité, certains
passent et n’osent revenir que quand le groupe s’est agrandi… Ceux qui seuls hésitent à s’arrêter, plus
encore à commenter dès lors que le processus est enclenché, se groupent, se tordant le cou, se penchant
pour accéder à ce qui est à voir, il tente le sourire, l’affiche, puis ils rient ; une certaine liberté se fraie mais
sous le nouveau code social qui s’impose.
Ainsi le modèle occidental se glisse. Et l’on participe à l’essai photographique d’une jeune fille qui parle
anglais. Celle-ci entrant dans le système de la photo à faire, demande de prendre en photo les deux
artistes, et provoque une saynète devant sa difficulté à appuyer sur le bon bouton.
Le protocole simple passe inopinément de la proposition d’être regardés sans exhiber « alors
que nous vous filmons » puisque une caméra surmonte l’affiche très simplement entre Sylvia Winkler &
Stephan Köperl, à être à leur tour captés.
Si l’exploration du lieu de la rue comme scénique réclamait de prévoir les circulations des
personnes et leurs possibilités d’écoute et d’attention, le protocole qui se fondait cette fois sur la maîtrise
du pictogramme, sur une pratique de l’écriture mais aussi sur une connaissance des exemples canoniques
du dictionnaire, rencontre une autre leçon des choses. Regarder y compris désormais en Chine passe
aussi par l’appareil de photo..
Simone Dompeyre
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