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Susanne WIEGNER


at the museum
Mise en abyme et miroir


ou comment trois minutes de composition numérique embarquent la pensée dans cette
fascinante question : la mise en abyme, dont le syntagme est cité à l’envi par tous les étudiants du monde,
et pas par eux seulement.
Dès lors le rappeler, cette modalité auto-réflexive concerne le texte de quelque médium que ce soit, pour
preuve cet « objet » numérique, at the museum, en effet une telle structuration intéresse les divers systè-
mes de signes, dès lors qu’elle produit une enclave ayant pour référent la totalité qui est son cadre.
Le syntagme vient du champ sémantique de l’héraldique et est “ lancé ” par André Gide, qui ne
l’a pas pour autant inventé, mais dont la précision est si claire : “ J’aime assez qu’en une oeuvre d’art on
retrouve ainsi transposé, à l’échelle des personnages, le sujet même de cette oeuvre. Rien ne l’éclaire
mieux et n’établit plus sûrement toutes les propositions de l’ensemble. ”
Un tel système agent réflecteur/élément réfléchi suit trois types de structures ; la réflexion
simple cantonnée à la duplication sur le modèle du blason dans le blason, ou de l’image réduite incluse
dans une première image. L’œuvre cadre intègre une autre œuvre : conte, nouvelle, pièce de théâtre,
roman, musique, peinture... souvent le questionnement porte sur le rapport opéré par les deux œuvres
ainsi Phèdre de Racine dans La Curée de Zola, 1871; Lucia de Lamermoor dans Madame Bovary ou la
description des tableaux d’Elstir, “le” peintre inventé de La Recherche de Proust ou celle de l’œuvre de
Gustave Moreau par Huysmans.
La réflexion à l’infini adopte le processus des poupées gigognes ou de la vache qui rit dont la
boucle d’oreille retient une vache qui rit dont la boucle...
Celle qui nous invite au musée - museum disent les Allemands - rejoint la troisième réflexion dite
aporistique ; parmi les oeuvres phares de ce modèle, Si par une nuit d’hiver un voyageur... 1979 de
Calvino, ou encore, Les Enfants du limon, 1938, de Queneau, dont un des personnages confie le résultat
de ses recherches, à un jeune écrivain nommé Queneau qui les intègre à un roman, Les Enfants du Limon,
pour l’oeuvre plastique : Escher et ses structures réversibles en dessin, et pour le cinéma la Jetée de
Marker en film perturbaient la notion du spatiotemporel de la quotidienneté.
Museum obéit de même au paradoxe qualifié de Möbius*, et aux nœuds borroméens, et s’inquiète à son
tour de la manière d’oscillation entre le dedans et le dehors. L’oeuvre boucle sur elle-même.
Devant un tableau de paysage avec sa lointaine montagne « monoforme » en pic, sous la lune
ronde, une sculpture de petite taille est exposée sur un socle, bloc parallélépipédique, net comme tous les
composants de ce premier plan de demi-ensemble. Noir et blanc cependant, il accuse les trait de l’image
calculée, ombres placées et netteté.
Le vide - pas de public - et déjà la mouvement avec des bruits référentiels en un travelling des plus
virtuels dépasse l’encadrement strict, meut la lune, et transforme la verticalité de l’image exposée en lignes
brisées horizontales, celles de la signalisation routière… et une voiture sans marque ni carrosserie
réaliste avance, en sens inverse à ce premier mouvement phares allumés.
La route bordée d’arbres dénudés mais réguliers, est oubliée pour intégrer un intérieur par les lignes de la
route devenues celles de la fenêtre… d’entrée… qui tout aussitôt, intègre un mobilier simple, y compris la
pendule avec balancier et le son idoine, en accord avec cette lisibilité des figures de Muséum. Très vite,
l’extérieur retrouvé par une seconde baie de cet appartement, se met en branle avec un bruit léger, parent
du train ; la maison ne bouge pas et bouge selon la vue de l’extérieur à travers le cadre de la fenêtre.
Plus encore, dans l’éloignement accentué de la première mimesis, le guingois s’empare de l’ap-
partement devenu maison – sans recherche architecturale -, ce mouvement s’accentue jusqu’à la chute
avant l’envol de cette construction… En l’air, elle se défait par composants type mécano, qui retombent en
dessinant au passage un Stijl - sans fortes couleurs - et reforment la sculpture du départ sur son socle de
départ…



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