Page 116 - catalogue_2012
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Xavier GIRARDOT


Ruines de guerre
Les plans des quatre vidéos installées dans Ruines de guerre ont été tournés sans intentions
définies, dans des vestiges de conflits armés du XXe siècle, en Croatie, au Cambodge et en France. Ces
images brutes ont ensuite été montées, attaquées, altérées par divers processus numériques, comme la
compression destructrice ou encore la création de bugs d'affichage, et ce, jusqu'à annihilation d'une
grande partie des informations portées initialement par les images tournées.
Ces différents gestes, motivés lors de la phase de montage par le souvenir des sensations que
le lieu produit mais aussi par son histoire, son architecture ou sa positon géographique, tendent à
produire ce que l'on pourrait appeler une matière numérique. Cette matière provoque une image qui tente
d'inquiéter le regard et d'amener par ce biais à la sensation puis à la réflexion. Partir de la brutalité des
images d'origines, et des images de guerre en général, pour parvenir par différentes opérations (plastiques
et conceptuelles) à les insérer dans une écologie de la violence à laquelle tout spectateur est confronté, et
ainsi les rendre plus intelligibles.
Les ruines de guerre, enfouies sous le medium, ressurgissent sous une forme spectrale hantant
l'espace de l'image et de l'imaginaire et nous entraînent vers une nouvelle réflexion concernant nos
capacités technologiques destructrices actuelles.
Xavier Girardot














Ruines de guerre ou Trouées de chaos

Des portes en chambres fortes – on passe et repasse en boucle un pas virtuel – perceptions d’odeurs,
d’intra- vision d’huile de moteur – de métaux attaqués de chaux vive, après la brûlure des coups de fer.
Reculer un peu mais l’image colle – serre le corps. On reste à court face à la mémoire-
Tentative de ré-apparation. Vibration comme un SOS cassé- désordre altéré – batiment-corps ; squelette
d’un lieu déchiré, broyé, vidé - encroché de chaos perdu dans le noir après.
Impossibilité de vivance au-delà des ruines; du passage.
L’image se serre plus encore – choc devant cette étanchéité précaire – structure du squelette ; en poing
de vue agressifs; dilatés devant l’oeil ahuri ; statufié, enserré de métaux semblables à des amassements
d’os. Dilatation du « trop » à voir - du non-sens qui submerge – sang - destruction – tonnes de trouées
broyées – écorchées comme une peau en vide de vivance –
Devant la matière compressée, un devenir qui incarne un arrêt de pensées sociales. Un marasme qui
arrive.
Tenir l’oeil en vigie face aux portes crânes qui annihilent les êtres et leurs mémoires.

« Le jour à jour résiste au pire
il grignote » 1
Béatrice Mauri, poète

1- K.O d’Antoine Emaz /P14 :chapitre « Tours » - collection Inventaire/invention



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