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Delphine RICHER
Deuxième phase, les trois performeurs abordent la notion de performance.
L’artiste pose des questions auxquelles l’enseignant tâche de répondre. L’étudiante prend des notes,
interprète, développe sa réflexion librement à l’écrit sur le format au mur. Dos au public elle rend visible le
processus de transmission.
Troisième phase, la transmission au sein de la performance. La performance procède d’une mise en
abyme de l’action elle-même. Cette dernière phase de la performance consiste à recueillir et à enregistrer
les réactions du public, ajoutant ainsi une nouvelle étape dans le processus de transmission.
Chacun des trois performeurs, muni d’un enregistreur, entame un dialogue individualisé avec des
personnes de l’assistance.
Extraits d’un enregistrement :
« La question c’est, "Est-ce qu’il faut rester ou partir de l’université?". Parce que le plus dur, lorsqu’on est
étudiant, c’est pas de rentrer à l’école, c’est d’en sortir. Et la sortie c’est toujours quelque chose de
difficile. Parce que là il y a l’enseignant. C’est: "Comment on arrive à couper le cordon avec l’enseignant,
à ne plus être un élève mais à devenir un véritable artiste indépendant?". Ca on ne l’enseigne pas. Je ne
sais pas si la performance s'enseigne. Mais c’est dur d’enseigner à ne plus être un étudiant. »
« J’ai pris des photos au début. Après, la question que je me suis demandée, c’était "Est-ce que c’était une
dérision, finalement, de parler de tout ça?". Est-ce que c’est sérieux ? Est-ce que c’est sérieux tout ce qui
a été dit? Est-ce qu’il faut le prendre au premier degré, au second degré, au troisième? Je ne sais pas. Je
pense que c’est mixé. Est-ce que l’on prend parti ? C’est là où l’on reste un petit peu dans l’expectative.
C’est à dire que l’on ne sait pas si c’était à prendre très au sérieux ou si c’était finalement une performan-
ce de clown. De clown analyse. Surtout ici, à la Fabrique en fait. ».
L’intérêt de cette performance réside dans les ambivalences, les questions et les discours qu’elle soulève.
Refusant toute forme de spectaculaire, cette action joue sur un rapport subtil entre la pratique et la
théorie, le réel et la fiction. Empreint de discrétion et de subtilité, le travail de Delphine Richer crée des
actions qui sont autant des formes plastiques que des moments de questionnements sur le statut de
l’artiste dans nos sociétés. S’incarnant par le biais de performances, le travail de Delphine Richer se
déploie au-delà de l’instant, au-delà de l’action elle-même, comme une œuvre à forte dimension
immatérielle, toujours en expansion, en recherche, insatiable, sans terme ni définition figée, comme l’est la
performance elle-même…
Jérôme Carrié
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